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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE


SUPPLÉMENT
Ce supplément ne doit pas être détaché pour la reliure.
(N° DE NOVEMBRE 1910)



LIVRES NOUVEAUX

Contes pour les Métaphysiciens. Les Réalités, les Vérités, les Mystères, par Louis Prat. 1 vol. in-8 de 312 p., Paris, Alcan. 1910. — « Le Sage ne doit pas mépriser les contes. Et les contes métaphysiques, je veux dire les contes qui n’ont pas pour objet d’accommoder la réalité selon les caprices des désirs égoïstes ou des instincts ou des passions, mais d’entrevoir au delà de la réalité et de découvrir la vérité qui doit être, sont de tous les contes les plus rares, les plus beaux. Ils conduisent l’âme à se deviner pour se faire. Hélas ! Tous les conteurs ne sont pas des métaphysiciens » (p. 181). Peut-être certains penseront-ils, en feuilletant le livre de M. Prat, que les métaphysiciens, eux non plus, ne sont pas tous faits pour devenir conteurs. Il nous semble pourtant qu’il y aurait vraiment mauvaise grâce à mal accueillir des contes sans prétention, dont la forme peut être jugée un peu gauche, souvent même emphatique à l’excès, mais dont la lecture toujours aisée présente parfois un réel agrément, et dont au surplus l’intention apparaît pieuse et louable infiniment. Car il s’agit, comme bien on pense, d’encadrer dans un décor de fantaisie l’exposé des principaux dogmes du personnalisme renouviériste. En vain le vieux philosophe Bernard Carol s’abandonne-t-il au caprice de ses rêveries et, dans le silence de sa pensée, prête-t-il une oreille passive aux discours des apparitions singulières qui viennent s’asseoir à ses idées : ce sont toujours ses propres idées qui lui reviennent inlassablement répétées. Et d’abord la distinction essentielle de l’état de paix et de l’état de guerre, le tableau de la lutte universelle, qui emporte irrésistiblement tous les êtres de la nature, métamorphosant les hommes eux-mêmes, vainqueurs et vaincus, en bêtes de proie de luxe ou de somme. À ces réalités odieuses, belles pourtant par leur inconsciente et éternelle sauvagerie, Sophia vient opposer le monde des vérités idéales par lesquelles l’esprit peut harmonieusement se développer s’il sait résister à l’irrationnelle réalité et travailler à la transformer au lieu de la croire vraie et régie déjà par des lois raisonnables. Et pourtant, « si la vérité impersonnelle existait, la personnalité ne pourrait être » (p. 118). Chaque raison d’homme doit donc se borner à atteindre et réaliser par elle-même sa vérité particulière. Puis Ariel survient et nous entraîne dans la région des mystères pour nous conter une fois de plus cette étonnante cosmogonie par laquelle s’achève la nouvelle Monadologie. Ici du moins ce roman n’a rien de déplacé, son imprécision et son dogmatisme simpliste s’adaptant assez bien à la forme même du conte. Au passage, le lecteur, déjà touché par la noblesse des convictions dont tout ce livre témoigne, saluera avec joie quelques réflexions ingénieuses sur la mort et l’immortalité.

Esthétique nouvelle, fondée sur la psychologie du génie, par Léon Paschal. 1 vol. in-8 de 398 p., Paris, Mercure de France, 1910. — C’est dans l’examen de la nature et du mode d’action du génie — c’est-à-dire, au fond, dans l’examen du mode d’élaboration de l’œuvre d’art, — qu’il faut, selon M. Paschal, chercher la solution des divers problèmes de l’esthétique. Cette étude du génie est la clef de tout. C’est pourquoi, après avoir en une première partie de son livre. — Préliminaires. — exécuté (il n’y a pas d’autre mot pour une opération aussi rapide et sévère) un certain nombre de théories esthétiques, M. Paschal en consacre la seconde partie, de beaucoup la plus étendue, à étudier