Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 6, 1910.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

questions étudiées, si de plus il n’y a pas communication entre les deux doctrines comme le montre l’exemple de Royce et de Münsterberg dont M. Walker ne cite pas les noms. Il y a de même communication entre le pragmatisme et le réalisme. M. Walker voit là un aveu d’impuissance du pragmatisme poussé à bout ; en faisant ce reproche au pragmatisme, le critique ne fait-il pas preuve d’une méthode qui tient parfois trop peu compte de la complexité des doctrines ? Le réalisme lui-même ne se décompose-t-il pas ? N’existe-t-il pas, à côté du réalisme thomiste, le réalisme quasi-platonicien de Russell et de Moore dont M. Walker ne dit qu’un mot, le réalisme d’un Herbart fondé sur l’idée de rapport, le réalisme de Riehl, le réalisme fonctionnel de l’école de Dewey, et d’autres encore ? La méthode de M. Walker se fonde sur l’observation de l’histoire et d’un moment de l’histoire ; sa base est fragile et étroite. Plus dogmatiste dans sa méthode, l’auteur eût plus solidement fondé son dogmatisme et donné à son livre plus de clarté. Le livre apparaît, en effet, comme un compromis entre l’étude de certains problèmes philosophiques, et l’examen de certaines entre leurs solutions qui ont un caractère d’actualité. Tel qu’il est, il est utile à qui veut étudier la philosophie anglo-américaine contemporaine, et aussi a qui veut comprendre quelques grands principes de la philosophie thomiste.

My new Gospel, by Toranosuke Miyasaki the prophet, translated by Goro Takahashi, 1 vol. in-8 de 234 p., Tokyo, New Gospel Society Publishing-House, 1910. – On nous présente une traduction d’un « nouvel évangile » ; le prophète Myasaki se proclame le successeur de Sakya Mouni et de Jésus, le troisième grand prophète, plus grand que les deux autres. Sa religion n’est pas une religion ascétique comme la leur ; elle est fondée sur l’idée de la grandeur de l’homme, et non sur celle de sa faiblesse ; l’homme est Dieu, ou doit le devenir par la conscience de la grandeur qui est en lui. Et il n’a pas, pour devenir Dieu, à supprimer le corps par l’ascétisme, mais à le spiritualiser sans le détruire, et en faire le temple de Dieu. Une fois le corps consacré et divinisé, tous les instincts de l’homme seront des vertus.

La religion japonaise du troisième prophète se rapproche beaucoup, on le voit, de la religion américaine de la Christian Science. Le livre ne contient rien qui nous révèle dans son essence l’âme du Japon, mais seulement l’esprit d’un Japonais renseigné sur quelques doctrines d’Europe et d’Amérique. Le style de l’ouvrage est simple et mesuré, sauf dans quelques passages où l’auteur parle en prophète. — Quelques chapitres sur les origines du christianisme paraissent une longue digression.

O Zasadzie sprzecznósci u. Arystotelesa. Ueber den Satz des Widerspruchs bei Aristoteles, par le Dr  Jan Lukasiewicz. Extrait du Bulletin de l’Académie des Sciences de Cracovie, novembre-décembre 1909, p. 15-38. — Cet article est le résumé d’un travail plus étendu, publié par M. Lukasiewicz sur le même sujet. L’auteur examine d’abord les énoncés et les démonstrations du principe de contradiction dans l’œuvre d’Aristote. On trouve dans le livre Γ de la Métaphysique trois énoncés différents du principe de contradiction (énoncé ontologique, énoncé psychologique, énoncé logique). À ces trois énoncés correspondent des tentatives différentes de démonstration. Le principe psychologique de contradiction se démontre de la manière suivante : si la même conscience pouvait, au même moment, enfermer deux croyances opposées sur le même objet, la même réalité aurait à la fois deux déterminations contradictoires. Sous cette forme, la démonstration implique le principe ontologique de contradiction qu’Aristote considère parfois comme une proposition première indémontrable (p. 22). Cependant, il a essayé de démontrer le principe ontologique, par la sorte particulière de syllogisme qu’il nomme elenchos, ou par un raisonnement apagogique. La première démonstration revient à dire qu’un être A, caractérisé par une détermination B, ne peut avoir en même temps la détermination non-B, sous peine de perdre son unité. Au reste, l’ensemble de la doctrine d’Aristote permet d’affirmer que le principe de contradiction est valable seulement des substances, qui, par leur nature, sont soustraites à toutes les vicissitudes du changement. Ce principe domine, d’après Aristote, toute la logique formelle ; il contient l’explication des règles du syllogisme.

Or, M. Lukasiewicz, au nom de l’algèbre logique, s’inscrit en faux contre toutes les affirmations d’Aristote. Le principe est indémontrable, et toutes les démonstrations qu’on en donne impliquent une pétition de principe. De plus, l’algèbre logique montre clairement que le principe d’identité et quantité d’autres lois formelles subsistent, même si l’on nie la validité du principe de contradiction. Ce principe n’est pas évident par lui-même. On ne peut pas l’énoncer