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Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/121

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n’arrive pas au terme de sa course, c’est que Zénon ne lui en donne pas le temps.

Répondre ainsi à Zénon, c’est ne pas comprendre sa pensée. Si, d’après lui, le mobile ne peut parcourir une suite infinie d’intervalles, ce n’est pas parce qu’il ne dispose que d’un temps fini, c’est simplement parce qu’il ne saurait atteindre le terme d’une série qui n’en a pas. La divisibilité du temps, parallèle à celle de l’espace, ne lève pas la difficulté. Elle vient la doubler, non la résoudre. Elle ne prouve rien, sinon que les arguments considérés pourraient tout aussi bien conclure contre la possibilité de la durée. Cela n’a rien qui doive surprendre, la durée n’étant mesurable ni même concevable que par le mouvement. D’ailleurs, quoique Zénon ne mentionne pas la divisibilité infinie du temps, il est clair qu’il la suppose. Sans elle, ses raisons perdent toute leur force. Supposons que l’espace seul soit divisible à l’infini et que le temps se compose d’instants indivisibles. Dans un de ces instants, le mobile devrait parcourir un intervalle fini divisible en parties distinctes. Ces parties, il ne les pourra parcourir successivement, car l’instant, supposé indivisible, se trouverait en fait divisé. Il les parcourra donc toutes à la fois. Il sera en même temps dans toutes ces parties, occupera simultanément le commencement, le milieu et la fin de l’intervalle considéré. Certes une telle conclusion est absurde en soi et montre que si l’espace est indéfiniment divisible, le temps doit l’être également. Admettons néanmoins qu’on s’y arrête ; les arguments de Zénon vont se trouver infirmés.

Il est, semble-t-il, un moyen infaillible de rendre vaine toute cette dialectique, c’est de rejeter la double hypothèse sur laquelle elle se fonde et de déclarer illusoire la continuité de l’espace et du temps. Si la ligne est une suite de points inétendus et le temps une suite d’instants sans durée, la dichotomie devra tôt ou tard prendre fin. Il y aura un instant où le point de départ et le point d’arrivée ne seront plus séparés par aucun intervalle, et le mobile passera de l’un à l’autre sans avoir d’abord à atteindre un point intermédiaire. L’Achille ne sera pas plus difficile à réfuter. L’avance du mobile le plus lent décroissant d’instant en instant se réduira tôt ou tard à un élément d’étendue et ne pourra plus décroître sans s’évanouir. Les difficultés précédentes se trouveront ainsi résolues.

En fait, cette solution a été proposée. L’ingénieux et profond auteur d’Infini et Quantité a développé avec une rare puissance de