Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/127

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en B, le mouvement est achevé et la durée qui vient après ne lui appartient plus. Ainsi, quand nous assignons au mouvement une durée, si courte qu’elle soit, nous reconnaissons qu’elle est encore trop longue. La durée du mouvement ne saurait donc être que nulle. Ainsi le mobile passera en un temps nul d’un point donné à un point contigu. Mais, tous les points d’une ligne quelconque étant contigus les uns aux autres, le mobile pourra en un temps nul parcourir la ligne entière.

Faut-il donc nous résigner à ne voir dans le mouvement qu’une apparence dénuée de toute réalité objective ? Certes, par son double rapport au temps et à l’espace, le mouvement appartient au monde phénoménal et n’a rien à voir avec les problématiques noumènes. Il n’a pas d’autre objectivité que celle des corps dont il est un état. Mais cette objectivité, la seule qui nous soit concevable, le mouvement semble la posséder. Il nous apparaît comme réel au seul sens vraiment intelligible de ce terme. Sommes-nous en cela dans l’erreur, et n’est-il qu’une vaine illusion ?

Il serait difficile tout au moins de le considérer comme une illusion des sens. En effet, à proprement parler, il n’a rien de sensible. Le mouvement ne se voit ni ne se touche. Nos sens perçoivent un mobile dans ses positions successives, ils n’atteignent pas le mouvement lui-même. Il est facile de s’en convaincre si l’on considère les mouvements très lents. On ne voit pas croître un arbre, mais en mesurant sa hauteur à différentes époques on s’aperçoit qu’elle a varié. C’est en comparant après un intervalle plus ou moins long les grandeurs ou les positions des corps qu’on reconnaît qu’elles ont changé. Le mouvement se manifeste par ses effets. En tant que changement continu, il échappe à toute perception directe. Il est vrai que nous sommes avertis de nos propres mouvements par les sensations musculaires ; mais celles-ci, quelle que soit leur origine, sont, comme toutes les autres, de pures manières d’être subjectives. Seules l’expérience et l’habitude nous apprennent à les interpréter. Réduites à elles-mêmes et dégagées de toute association avec les données de la vue ou du tact, elles ne nous apprendraient rien de l’étendue, ni par suite du mouvement. Ainsi pas plus en nous-mêmes que hors de nous, celui-ci n’est l’objet d’une perception immédiate. On rapporte que Diogène le cynique, pour réfuter quelque disciple de Zénon, se contenta de marcher devant lui. Du raisonnement toujours faillible il croyait pouvoir en appeler à l’évidence sensible. Par