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LE PROBLÈME MORAL
DANS
LA PHILOSOPHIE DE SPINOZA[1]



Le problème moral, tel que Spinoza l’a conçu, consiste à éliminer toutes les dénominations extrinsèques qui font rapporter l’activité humaine à des fins transcendantes et imaginaires, pour retrouver les dénominations intrinsèques, absolument vraies, qui expriment le fond de notre nature et le rapport réel de notre être avec l’Être : il ne peut donc être résolu que par un système. Le système, tel qu’en conséquence Spinoza l’a édifié, consiste à poser a priori la Raison ontologique comme la mesure de tout. Ce qui n’entre pas dans la Raison, ce qui n’est pas fondé par elle n’est qu’illusion et que néant : rien ne peut être admis, rien ne peut être réalisé comme bon par qualification extérieure ou par volonté contingente. Cela seul est bon, qui, pouvant être affirmé absolument, existe nécessairement par une puissance intelligible interne. Mais cela seul est bon également qui n’est pas en dehors de nous, qui nous touche directement et nous intéresse. Par conséquent notre meilleure et plus certaine manière de concevoir la Raison est de la concevoir appliquée à la vie : la suprême vérité, dont toute la doctrine découle, est l’affirmation absolue de la vie. Est vrai, est utile tout ce qui exprime la vie, ce qui la soutient et la complète ; est faux, est nuisible tout ce qui dénature la vie, ce qui la rabaisse ou la diminue. Il ne peut et il ne doit y avoir de Métaphysique que pour comprendre et glorifier la vie : la Métaphysique est une Éthique.

  1. Cet article est un chapitre détaché d’un livre qui doit paraître très prochainement sous ce titre : le Problème moral dans la philosophie de Spinoza et dans l’histoire du spinozisme.