Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/152

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« Les choses sont nombres ». À qui n’est-il pas venu à l’idée d’y voir tout simplement cette signification que les choses sont soumises aux nombres, que les choses sont explicables à l’aide des nombres. Si on recule devant cette interprétation, si on hésite à l’adopter purement et simplement, je crains bien que ce ne soit parce qu’on la trouve trop simple, trop claire. Mais d’abord cette simplicité ne doit pas faire illusion sur la grandeur et l’importance de l’idée que les Pythagoriciens auraient ainsi formulée. Songez que nous sommes à l’origine de la pensée scientifique. Les Ioniens seuls, avant Pythagore, ont médité sur l’univers, mais s’ils ont soulevé de grands problèmes et déjà fait de la science à leur manière, ils n’ont pas cherché à faire intervenir pour leur solution autre chose que des phénomènes sensibles. Certes, par le seul fait de composer l’univers avec une matière unique, homogène, soumise au mouvement, et d’effacer ainsi dans une certaine mesure l’influence des qualités dans l’explication physique des choses, ils poussaient déjà instinctivement la science dans la voie des conceptions mécanistes et purement quantitatives. Depuis eux, l’introduction de plus en plus heureuse des mathématiques en physique a rendu presque banale cette idée, que la science semble progresser d’autant plus que les notions quantitatives pénètrent davantage dans tous les domaines ; mais en somme les Pythagoriciens sont les premiers qui en aient été frappés, qui l’aient énoncée, et plus l’idée nous semble aujourd’hui évidente, ou simple, plus elle se trouve confirmée ou justifiée par l’évolution de la science entière, mieux nous apprécions l’importance de la formule pythagoricienne. Loin de la juger insignifiante, dans le sens que nous venons de lui donner, n’y a-t-il pas lieu au contraire de chercher à expliquer la divination merveilleuse dont elle témoigne ? Cette explication, demandons-la aux travaux mêmes de Pythagore.

D’abord, Pythagore est le premier mathématicien, au sens véritable du mot, qui ait spéculé sur les propriétés générales des figures de géométrie. À mesure que se poursuivent les recherches de la critique moderne, l’œuvre géométrique de Pythagore grandit sans cesse et la part des connaissances d’Euclide qu’on peut lui attribuer, sans pouvoir être délimitée exactement, nous apparaît aujourd’hui comme certainement très considérable. Eh bien, sentez-vous l’étonnement profond que dut susciter, chez le premier penseur qui s’en aperçut, la possibilité de traduire par des relations numériques entre les lignes les propriétés géométriques des figures ? Concevons, par exemple, un