Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/263

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mation, malgré les apparences, est toujours la conséquence de l’ancienne théorie du perceptionnisme : l’esprit perçoit les choses ; on ne croit plus, en philosophie, qu’il les perçoive directement et telles qu’elles sont, mais on croit cependant qu’il les perçoit en quelque manière et que sa fonction est de les apercevoir. L’esprit est toujours considéré comme un miroir, un miroir qui, il est vrai, agit sur les objets qu’il réfléchit et les déforme, mais néanmoins un miroir.

Quittons maintenant, avec M. Renouvier, la discussion générale de la thèse, et suivons-le dans les démonstrations particulières qu’il en présente. Poursuivant, avec une rare puissance de logique, le réalisme, il montre successivement que les principaux représentés ne peuvent être acceptés comme choses en soi sans contradiction manifeste. Les démonstrations concernant l’espace, le temps, la matière, le mouvement sont, croyons-nous, définitives et, ce qui n’est pas à dédaigner aujourd’hui, présentées avec ce style clair et précis dont la vigueur ne le cède qu’à celle des idées qu’il exprime. Ces démonstrations reviennent toutes essentiellement à montrer la contradiction de l’infini actuel impliquée dans l’idée de continu inhérente aux représentés en question. Nous y renvoyons le lecteur[1]. Tout représenté donné sous les conditions d’espace et de temps comportera évidemment, si l’on veut en faire une chose en soi, les mêmes difficultés que l’espace et le temps : il en est ainsi des qualités secondes (que l’on ne songe plus, d’ailleurs, à prendre pour choses en soi) et des qualités premières de la matière : parmi celles-ci, l’étendue tombe sous la critique précédente ; quant à l’impénétrabilité, débarrassée de tous les caractères inhérents à la représentation, elle donne comme résidu la force. « Mais qu’est-ce que la force ? Toute cause propre à altérer l’état de repos ou de mouvement d’un corps est une force. Plus généralement la force est ce quelque chose d’indéfinissable que chacun connaît par sa conscience. Or il nous faut encore ici supprimer tous les caractères tirés de cette matière et de ce mouvement qui n’ont rien à démêler avec la chose en soi, et nous voilà réduits à la cause et à la force notions représentatives ; ou du moins à ces sortes de représentés qui ne paraissent dans l’espace et dans le temps que par leurs effets et en eux-mêmes s’y évanouissent [2]. »

Telle est, bien imparfaitement résumée, la réfutation du réalisme

  1. Renouvier, Essais de critique générale, 1er Essai, § VIII-XI.
  2. Id., ibid., § XII.