Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/38

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une observation afin de prévenir l’étonnement qu’elle ne manquerait pas de provoquer chez les lecteurs peu familiers avec les habitudes des géomètres.

Les mathématiciens n’étudient pas des objets, mais des relations entre des objets ; il leur est donc indifférent de remplacer ces objets par d’autres, pourvu que les relations ne changent pas. La matière ne leur importe pas, la forme seule les intéresse.

Si l’on ne s’en souvenait, on ne comprendrait pas que M. Kronecker désigne par le nom de « nombre incommensurable » un simple symbole, c’est-à-dire quelque chose de très différent de l’idée que l’on croit se faire d’une quantité, qui doit être mesurable et presque tangible.

Voici maintenant quelle est la définition de M. Kronecker.

On peut répartir d’une infinité de manières les nombres commensurables en deux classes en s’assujettissant à cette condition qu’un nombre quelconque de la première classe soit plus grand qu’un nombre quelconque de la seconde classe.

Il peut arriver que parmi les nombres de la première classe il y en ait un qui soit plus petit que tous les autres ; si par exemple on range dans la première classe tous les nombres plus grands que 2 et 2 lui-même et dans la seconde classe tous les nombres plus petits que 2, il est clair que 2 sera le plus petit de tous les nombres de la première classe. Le nombre 2 pourra être choisi comme symbole de cette répartition.

Il peut se faire au contraire que parmi les nombres de la seconde classe il y en ait un qui soit plus grand que tous les autres ; c’est ce qui a lieu par exemple si la première classe comprend tous les nombres plus grands que 2, et la seconde tous les nombres plus petits que 2 et 2 lui-même. Ici encore le nombre 2 pourra être choisi comme symbole de cette répartition.

Mais il peut arriver également que l’on ne puisse trouver ni dans la première classe un nombre plus petit que tous les autres, ni dans la seconde un nombre plus grand que tous les autres. Supposons par exemple que l’on mette dans la première classe tous les nombres commensurables dont le carré est plus grand que 2 et dans la seconde tous ceux dont le carré est plus petit que 2. On sait qu’il n’y en a aucun dont le carré soit précisément égal à 2. Il n’y aura évidemment pas dans la première classe de nombre plus petit que tous les autres, car quelque voisin que le carré d’un nombre soit de 2, on