Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/416

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conscience enfin fournit à la raison sa matière, et elle a dans la liberté sa cause et sa fin, car c’est la liberté qui, se heurtant aux choses extérieures, me donne, grâce au sentiment de leur résistance et de ma limitation, la conscience de mon être propre. L’esprit se définit donc par la conscience ; l’inconscient agit seulement « en sous-ordre », pour l’exécution mécanique des décisions du libre-arbitre, ou « par délégation » pour la reproduction de certains actes qui nous sont devenus habituels ; en dehors de ces cas extrêmes qui appartiennent plutôt à la physiologie qu’à la psychologie, il n’y a de place que pour la conscience à ses divers degrés. Même dans le sommeil, même quand la personnalité semble s’être dédoublée, subsiste une conscience obscure, le subconscient. À cette étude psychologique, M. Desdouits rattache une démonstration de l’existence de la liberté, fondée sur une conception originale du principe de causalité, et une théodicée dont le principe est l’identification en Dieu de la conscience et de la raison, qui lui permettent de réfuter le pessimisme inséparable, suivant lui, de la philosophie de l’inconscient.

Ces conclusions métaphysiques confirment et accentuent le caractère de l’ouvrage de M. Desdouits : la solution de la question spéciale qu’il y traite est subordonnée à la défense du spiritualisme classique. Une préoccupation de ce genre ne saurait être absolument blâmée, il faut pourtant qu’on ne puisse la soupçonner de gêner en rien la liberté de l’auteur. Il nous semble regrettable, par exemple, que M. Desdouits ait jugé à propos de critiquer, en même temps qu’il en a exposé le développement historique, les théories de l’inconscient. On conçoit malaisément qu’après avoir réfuté Leibniz et Hartmann, l’auteur en vienne à aborder la question dogmatique comme s’il était en présence d’un problème encore intact, comme si son introduction n’était pas, à elle seule, une solution. Ajoutons que l’histoire des doctrines relatives à l’Inconscient présente plus d’un point délicat, qui méritait d’être approfondi pour lui-même, comme l’interprétation de la pensée de Leibniz. De plus, M. Desdouits n’étudie les origines de cette pensée que dans l’antiquité, dans la réminiscence platonicienne, dans la conception de la mémoire de saint Augustin. Mais le cartésianisme ne la prépare-t-il pas à sa manière ? Assurément la théorie des « petites perceptions » apparut aux contemporains comme une sorte de révélation ; c’est, si l’on veut, un des rares exemples que l’on puisse citer de découverte purement philosophique ; mais il n’en est pas moins vrai que, même dans ce cas, la loi de continuité qui préside au développement de l’esprit humain n’a pas été violée. Leibniz lui-même présente sa doctrine comme étant l’approfondissement et la justification de cette proposition cartésienne que l’âme pense toujours. À l’exception de celui de Geulincx, les systèmes cartésiens font à l’inconscient une part qui devrait être signalée. Malebranche insiste à plusieurs reprises sur ce fait que, pour retrouver une idée, nous parcourons en un instant une multitude infinie d’idées qui se trouvent en nous, n’arrêtant notre regard intérieur qu’à celle qui est le but de notre recherche ; la vision en Dieu a pour objet d’expliquer la présence en nous de cette infinité d’idées claires qui déborde de toutes parts la perception limitée et obscure que nous avons de nous-mèrae. Spinoza résout le problème posé par Malebran-