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LE DIALOGUE COMME MÉTHODE D’ENSEIGNEMENT


DE LA PHILOSOPHIE



À PROPOS D’UN ARTICLE DE M. MÉLINAND



La Revue de Métaphysique et de Morale a publié en mars dernier un intéressant article de M. Mélinand sur l’enseignement de la philosophie. M. Mélinand juge détestable, et non sans raison, un enseignement dans lequel le cours tiendrait toute la place. Mais, d’après lui, la méthode usuelle, qui unit sous des formes diverses, en des proportions variées, le cours et la causerie, est un procédé bâtard, inapplicable en réalité, et qui, dans la causerie même, n’est jamais qu’un monologue déguisé. Il conclut donc à la nécessité absolue du dialogue, et voudrait qu’on enseignât dans nos classes à la façon de Socrate dans les rues d’Athènes.

La conclusion nous semble paradoxale, et la théorie trop simple pour être vraiment pratique. Nous voudrions dire pourquoi le dialogue ne nous parait pas présenter tous les avantages qu’on lui attribue, et pourquoi nos préférences sont pour une méthode moins simple, et qui, sans rien déguiser, peut d’autant mieux s’adapter à la très grande diversité des circonstances qu’elle est moins systématique.

Le dialogue est, dit M. Mélinand, la classe idéale : c’est la classe faite par les élèves, sous la direction du professeur. Cela est vraiment démocratique. — L’idée est belle assurément ; mais n’est-ce pas de la théorie pure ! Nous n’enseignons pas seulement, comme Socrate, la morale ; nous n’avons pas, comme lui, affaire à des interlocuteurs déjà familiarisés aux choses de la philosophie. La causerie seule serait, en général, insuffisante, pour faire découvrir aux élèves les solutions, et surtout les arguments qui les font valoir. Et les en instruire à l’avance, ce serait revenir au cours, ou tout au plus le dissimuler sous le faux semblant d’une causerie libre. M. Mélinand n’accepte pas cette tromperie. Mais alors l’élève, obligé de parler sur ce qu’il ignore, se contentera d’ouvrir avant la classe le premier manuel venu. Il aura une opinion à soutenir ; seulement cette opinion ne sera pas la sienne ; heureux encore s’il la comprend ! Le manuel est un pis-aller ; il abuse des divisions, des formules, il surcharge l’esprit plus qu’il ne l’éclaire, il met à la pensée des entraves, et mène droit à confondre avec les idées le cadre plus ou moins factice qu’il leur donne. Il faut à la