Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/50

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de la vie morale en nous-même et dans les autres peut nous faire négliger le sanctuaire intérieur, lieu de la décision vivante.

Il faut bien distinguer aussi — et c’est un autre point sur lequel notre précédente étude semble ne pas avoir été suffisamment précise — le sentiment religieux passif qui exagéré devient cette sorte d’abandon à l’infini où s’abîme le mystique, et la décision, le consentement actif que nous avons posé comme initial. S’il nous est arrivé de confondre sous le nom de sentiment ces deux états, ou plutôt cet état et cet acte, c’est parce que, de même que le sentiment concentré en soi, la raison est encore dans cette première démarche, toute intérieure et non encore occupée à connaître, ou à organiser dans sa mesure l’univers. C’est aussi que le sentiment, quoique distinct du consentement actif, mérite, comme nous le verrons plus loin, de demeurer au rang que nous lui avions ailleurs assigné comme collaborateur de la volonté proprement dite.

Telle est la certitude morale fondamentale liée à la certitude logique, qu’elle achève. Et remarquons-le bien, il ne s’agit pas ici, comme nous voyons, de je ne sais quelle liberté première, naturellement efficace, comme on nous l’a fait dire[1], antérieure à l’existence, en ce sens que nous apercevrions comment s’en déduirait l’existence, telle enfin que la substance infinie, ou le Dieu créateur. Il s’agit bien de la liberté, de l’alternative morale telle que nous la constatons en même temps que notre impuissance et notre misère naturelle. Si j’appelle cette liberté absolument première, cela signifie qu’il n’est pas de raison d’en douter. Bien loin de déclarer que j’atteins une liberté efficace, au sens physique ou mathématique du mot, telle que je la connaîtrais en dehors du devoir, j’établis au contraire que l’analyse des conditions de la connaissance m’amène à renoncer au problème de l’efficacité naturelle. Je ne puis en effet concevoir l’efficacité naturelle que sur le type fourni par les mathématiques où en effet, comme l’avaient si bien vu les métaphysiciens, j’assiste comme à la création des conséquences par leur définition, ou sur le type de l’instinct ; auquel cas je renonce déjà à l’absolue intelligibilité. Or précisément l’analyse des conditions de la connaissance m’amène à renoncer à ce double type de certitude, en ce qui concerne la vérité fondamentale.

  1. M. Pillon.