est le résultat d’une décadence morbide ; les preuves indirectes comme la prostitution sacrée des Babyloniens, qui serait un reste de la promiscuité primitive, ou comme la couvade, qui serait un vestige du matriarcat, sont des faits que d’autres causes expliquent facilement.
Relativement au régime des biens (chap. iv), les preuves directes ou indirectes qu’on a données de l’existence d’un communisme primitif, communauté de village d’abord, communauté de famille ensuite, auquel aurait succédé graduellement la propriété privée, ne sont pas beaucoup plus convaincantes. On rapproche d’une part, avec Laveleye, des institutions communistes encore existantes, disséminées dans les montagnes de l’Europe (allmend suisse, pâturages communs des Pyrénées), dans les vallées asiatiques et les steppes russes (communauté de village hindoue, mir russe, zadruga serbe) ou parmi les tribus sauvages d’Afrique, d’Amérique, d’Océanie ; et on conclut que ces coutumes aujourd’hui exceptionnelles sont les débris d’institutions autrefois générales. En second lieu, on découvre dans les lois des nations modernes des particularités comme le retrait lignager ou vicinal, qu’on ne croit explicables que par un communisme antérieur. Enfin, on montre avec Sumner Maine et M. Loria que les premiers pionniers anglo-saxons de l’Amérique du Nord, en fondant les colonies qui sont devenues les États-Unis, ont commencé par pratiquer la propriété indivise du sol et donné ainsi une démonstration expérimentale de la thèse suivant laquelle le communisme serait primitivement universel. — Mais les colons anglo-saxons n’ont fait, de l’aveu même de Sumner Maine, que reproduire en Amérique les coutumes féodales. Si on étudie d’autres colonies, on y trouve les plus grandes différences ; et dans l’Amérique du Nord elle-même, beaucoup de colons ont commencé par cultiver isolément des domaines dont ils avaient fait leur propriété individuelle. En second lieu, des faits comme le retrait lignager et le retrait vicinal s’expliquent par la défaveur attachée aux aliénations dans les sociétés peu civilisées, qui regardaient comme inséparables la propriété et le propriétaire, collectif ou individuel, peu importait. En dernier lieu, les exemples de communisme cités par Laveleye ne prouvent pas que la communauté de village ait précédé la communauté de famille, ni que le communisme ait été au début universel, ni même que les institutions communistes actuellement existantes ne dérivent pas de causes historiques assez récentes, comme la féodalité, origine probable du mir russe.
Est-il vrai, comme le soutient M. d’Aguanno, que primitivement les rapports d’obligation (chap. v) n’aient existé que d’un groupe social à un autre et se soient réduits à l’échange d’objets matériels ? Devons-nous affirmer, avec Sumner Maine, l’absence primitive des contrats, et dire avec M. Dareste, que les contrats réels ont précédé partout les contrats consensuels. — Mais faire partir du troc international l’histoire de l’obligation, c’est commettre la même erreur que de faire partir l’histoire de la peine de la vengeance entre familles ; c’est s’en tenir aux rapports entre les membres de groupes sociaux différents et négliger les rapports entre membres d’un même groupe ; si l’on tient compte des relations à l’intérieur de la famille ou de la tribu, il faudra reconnaître que les contrats ont toujours existé.