Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/592

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commencés par l’idée ne trouvent pas des sensations capables d’une intensité égale à la leur. Cette tendance interne à l’idée et au désir n’est pas uniquement la pure tendance intellectuelle à la clarté. Elle est cela, mais, de plus, l’idée tend à se réaliser extérieurement autant qu’intérieurement. L’appétition ne peut résider davantage, comme le veut Wundt, dans l’activité de l’aperception : celle-ci est dérivée de celle-là qui est vraiment primitive.

Les premiers mouvements appétitifs sont indéfinis de direction et d’intention indéterminée, si ce n’est l’intention « générale » de ne pas souffrir. Ces mouvements se sont développés et définis par l’appétit même qui, à la sélection mécanique et spécifique, basée sur des accidents heureux, vient ajouter la sélection mentale et individuelle reposant sur une série d’essais provoqués par l’appétit même et qui aboutissent, après des échecs, à établir une association entre tel mouvement et la suppression de telle douleur et à opérer ainsi un triage dans la foule des mouvements indéfinis primitifs. Nous sommes amenés par là à admettre sous les désirs particuliers, intentionnels et conscients, et avant eux, une activité fondamentale et sans autre but qu’elle-même. « Elle agit parce qu’elle agit et pour agir. » Si l’on veut l’appeler volonté, c’est volonté-sujet qu’il faut dire, car en elle-même elle est irréprésentable, comme la vie, la conscience, l’être en eux-mêmes, c’est-à-dire comme tout ce qui est premier. Nous ne pouvons qu’en avoir conscience. Le sujet, dit très justement M. Fouillée, quel qu’en soit la nature ultime, ne peut se saisir lui-même comme tel ou tel objet. De même pour l’activité primitive qui le constitue. Le nom qui conviendrait le mieux au sujet pensant et voulant, et qui permet d’éviter de faire de son activité une entité métaphysique ou de lui-même une substance est celui d’action.

Abordant ensuite l’étude des émotions proprement dites, c’est dans l’appétit que M. Fouillée place leur origine. Ni le mouvement des représentations (Herbart), ni l’attention (Wundt) ne suffisent à les expliquer. « Elles sont des mouvements instinctifs de la volonté réagissant sous l’influence du plaisir et de la douleur. » Apportant à l’intensité, la vitesse et la direction des faits de conscience un changement lié à des mouvements dans l’espace, elles ont une force mentale unie à une force mécanique. Il y a entre les sentiments intérieurs et les mouvements qui les expriment au dehors un déterminisme réciproque qui réclame une explication. Ni celle que l’on tire de la biologie, ni celle que donne la physiologie ne sont fondamentales. Il faut chercher l’explication radicale dans la psychologie. L’activité générale et primitive n’a que deux modes : l’expansion, corrélative à l’accroissement de l’activité, et la contraction, corrélative à sa décroissance. Ils sont le germe de tous les autres mouvements vitaux et par cela même de tous les signes. D’autre part, l’expansion a dû accompagner la joie et le désir ; la contraction, la souffrance et l’aversion. Or ce sont là les quatre émotions fondamentales d’où l’on peut dériver toutes les autres. « Tout se ramène, en définitive, à un mouvement général de la volonté vers les objets ou à l’opposé des objets et c’est le mouvement corrélatif d’expansion ou de contraction organiques qui est le vrai générateur du langage des émotions. » Mais, l’organisme étant une société des vivants, l’explication psychologique