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sante. Ces lois abstraites auxquelles l’être obéit d’abord sans les dégager ne sont que l’expression logique : d’une part, des lois mécaniques de l’identité de la force et de la continuation du mouvement commencé, d’autre part des lois psychiques de l’identité de l’appétition et de la continuation de son action. La nécessité que nous fait connaître l’induction est empirique : la déduction nous permet de passer de celle-ci à la nécessité logique. Aussi les sciences inductives tendent-elles à devenir déductives et, par un dernier progrès, à prendre la forme mathématique.

5. L’imagination. — L’imagination reproductrice ne diffère pas de la mémoire ; quant à l’imagination constructive, sa loi est celle de l’économie de la force « qui est la loi même de la volonté poursuivant le plus grand résultat avec le moindre effort ». Toutes les opérations intellectuelles viennent se résumer dans l’imagination constructive qui rend possibles d’abord la science, ensuite, en créant l’idée-force par excellence, celle de l’idéal, l’art, la religion, la morale même. Représenter c’est imaginer, et toute représentation est un symbole. Toutes nos représentations des choses, tous nos sentiments, toutes nos actions, toute notre philosophie et notre science même sont à quelque degré symboliques (p. 359). Ainsi le monde de la pensée n’est pas une simple copie du monde réel, c’est un prolongement de cette réalité « où la réalité prend une direction nouvelle » : c’est un monde de forces.

Livre cinquième. — Après l’étude de la vie sensible et des éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles, s’imposait celle de la vie intellectuelle proprement dite, c’est-à-dire de la formation des principales idées. Cette recherche de la genèse des idées et par suite de leur rôle dans l’évolution ouvre le second volume dont elle occupe la moitié. Se séparant à la fois du naturalisme et de l’idéalisme pour les réconcilier, M. Fouillée s’efforce de montrer « l’action commune à l’esprit et aux choses » et de fonder le monisme : l’élément commun à la pensée et aux choses qui doit servir de base à ce monisme, c’est le désir primordial inhérent à tout ce qui est. Nous allons voir son rôle dans la genèse des principales idées, qui prendront le caractère d’idées-forces.

Idée du monde extérieur. — Elle comporte deux éléments : l’idée du non-moi, et l’idée des autres moi. Le passage du moi au non-moi est amené par l’aperception d’une différence, l’appétition restant la même, ce qui donne la distinction du volontaire et de l’involontaire ; et comme nous avons associé notre volonté comme antécédent immédiat à certains de nos mouvements et changements, nous associons, par une inférence immédiate du particulier au particulier, à l’idée du changement actuel celle d’une volonté antécédente. Ainsi se forme la notion d'une volonté autre par une projection au dehors de nous d’une activité semblable à la nôtre. C’est l’idée générale du non-moi ou de l’objet. Quant à l’idée des autres moi, elle s’explique par la même opération de déduction, de projection et d’imagination, opération rendue ici presque automatique par l’influence de l’hérédité qui nous a donné une prédisposition à construire la représentation des autres moi. Notre conscience est sociale par essence ; si elle a une centralisation naturelle autour de l’appétit, elle a aussi un mouvement d’expan-