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Angleterre. Plusieurs professeurs se sont occupés de constituer une bibliothèque de manuels à l’usage de cet enseignement populaire supérieur ; M. Knight, en particulier, a rédigé, pour faire partie de cette série, deux volumes, l’un historique, paru l’an passé, l’autre théorique, qui paraît aujourd’hui, sur la Philosophie du Beau, petit ouvrage très érudit et très complet, conciliant et éclectique à souhait, pourvu d’une très riche bibliographie et de nombreuses citations.

Strada, par Jean-Paul. Clarens, 1 vol. in-8. Ollendorf.

De temps à autre, des disciples dévoués prennent soin de nous avertir que France possède en Strada un philosophe comparable à Descartes et un poète comparable à Dante. Aujourd’hui c’est M. Jean-Paul Clarens qui se charge de nous annoncer le dieu. Nous accusons réception de son ouvrage ; mais nous craindrions en insistant plus longuement de tomber dans l’illusion ou dans la mystification.

Nous avons reçu un exemplaire du Locke, sa vie et ses œuvres, de M. H. Marion, dont la 2e édition vient d’être mise en vente ; c’est là une marque suffisante de l’excellence de ce petit livre, sur laquelle aussi bien nul n’a besoin d’être renseigné.


Revue thomiste. — Nous sommes de ceux qui ont accueilli avec faveur l’apparition de la nouvelle Revue. Nous espérions qu’elle réussirait à dégager de l’effrayante multitude des sommes dont une plume infatigable donne chaque année le catalogue à la Revue philosophique, une idée claire et à peu près intelligible de ce que peut être le mouvement thomiste. Jusqu’à présent cet espoir a été déçu et quoiqu’il soit peut-être prématuré de juger par ses premiers numéros une Revue qui n’a encore pu remplir le programme qu’elle s’était tracé, on se demande avec étonnement et non sans quelque impatience quel rapport avec « les questions du temps présent » peuvent avoir des articles sur la cosmographie d’Albert le Grand, les écrits de Pierre le Vénérable ou les controverses contre le Manichéisme ; on se demande aussi que penser d’un critique qui, sans rire, soutient contre M. Ravaisson que la véritable conclusion d’Aristote ne saurait être le dynamisme et que l’acte pur, l’ὲνέργεια, ne consiste pas nécessairemont et essentiellement dans l’action, ou encore offre si obligeamment à M. Boutroux, pour triompher du subjectivisme, le secours de saint Thomas et de sa distinction entre l’être entitatif et l’être intentionnel. Il est vrai que la Revue fait une large part aux sciences, à la biologie, à la géologie, à la chimie et même à l’hypnotisme. Mais nous voudrions plus que cette érudition un peu superficielle et trop facile, nous voudrions une exposition de la doctrine thomiste qui soit autre chose qu’un pur verbalisme, qui au lieu d’éluder les problèmes par des citations, les analyse directement au moyen de définitions et de démonstrations rationnelles. C’est à ce prix que le thomisme sera une philosophie et qu’il évitera le fâcheux parallèle que naguère encore M. Picavet établissait entre lui et le positivisme scientifique ; ce seront, disait-il, les deux seules formes de la pensée future : et tel serait, en effet, l’avenir qui nous menacerait si, par malheur et comme on y prétend de divers côtés, la culture philosophique venait à disparaître et qu’en l’absence de toute critique rationnelle il ne restât plus en face l’une de l’autre que les deux solutions antagonistes de la science et de la foi également venues du dehors et acceptées sans discussion, également étrangères à la libre réflexion de l’esprit.

Philosophical Review. — Création de bourses et de chaires, appel de professeurs étrangers (qui sont, il faut bien le dire, des professeurs allemands), congrès auxquels tous les métaphysiciens et tous les psychologues du globe terrestre sont convoqués, les États-Unis n’ont rien épargné pour organiser en Amérique un enseignement philosophique et donner le branle à de nouvelles traditions, à de nouvelles habitudes de pensée. Aussi bien ces efforts ont été couronnés d’un certain succès ; M. William James jouit d’une réputation universelle, MM. Josiah Royce, Dewey, Carus, sont connus de ce côté de l’Atlantique.

Néanmoins, l’inspection des trois Revues philosophiques qui ont été fondées récemment là-bas ne satisfait pas pleinement notre désir d’assister à l’apparition d’une école philosophique américaine, qui soit pleinement originale. Nous ne nous occupons aujourd’hui ni de l’International Journal of Ethics, qui, en soumettant les problèmes de la conduite et de l’action à l’investigation philosophique la plus impartiale, cherche les moyens de constituer une prédication morale, dégagée de toute étroitesse confessionnelle, — ni du Monist, qui poursuit un but analogue, quoique plus spécial : réconcilier avec les données de la science moderne les exigences