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H. POINCARÉ. L’ESPACE ET SES TROIS DIMENSIONS.

Σ et Σ’, il y ait aussi identité entre les deux points correspondants du second espace et , c’est-à-dire entre les deux points qui correspondent aux deux séries + Σ + , et + Σ’ + . Or nous allons voir que cette condition est remplie.

Faisons d’abord une remarque. Comme et sont inverses l’une de l’autre, on aura + = 0, et par conséquent + + Σ = Σ + + = Σ, ou encore Σ + + + Σ’= Σ + Σ’ ; mais il ne s’ensuit pas que l’on ait + Σ + = Σ ; car bien que nous ayons employé le signe de l’addition pour représenter la succession de nos sensations, il est clair que l’ordre de cette succession n’est pas indifférent ; nous ne pouvons donc, comme dans l’addition ordinaire, intervertir l’ordre des termes ; pour employer un langage abrégé, nos opérations sont associatives, mais non commutatives.

Cela posé, pour que Σ et Σ’ correspondent à un même point du premier espace, il faut et il suffit que l’on ait Σ’ = Σ + σ
On aura alors :

 + Σ + = + Σ + σ + = + Σ + + + σ +

Mais nous venons de constater que + σ + était une des séries σ’.

 + Σ’ + = + Σ + + σ’


ce qui veut dire que les séries + Σ’ + et + Σ + correspondent à un même point du second espace.
C.Q.F.D.

Nos deux espaces se correspondent donc point à point ; ils peuvent être « transformés » l’un dans l’autre ; ils sont isomorphes ; comment sommes-nous conduits à en conclure qu’ils sont identiques ?

Considérons les deux séries σ et + σ + = σ’. J’ai dit que souvent, mais non toujours, la série σ conserve l’impression tactile éprouvée par le doigt  ; et de même il arrive souvent, mais non toujours que la série σ’ conserve l’impression tactile éprouvée par le doigt . Or je constate qu’il arrive très souvent c’est-à-dire beaucoup plus souvent que ce que je viens d’appeler « souvent ») que quand la série σ a conservé l’impression du doigt , la série σ’ conserve en même temps l’impression du doigt  ; et inversement que si la première impression est altérée ; la seconde l’est également. Cela arrive très souvent, mais pas toujours.

Nous interprétons ce fait expérimental en disant que l’objet inconnu qui cause l’impression au doigt est identique à l’objet