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G. LANSON.Droit du père de famille et droit de l’enfant.

famille, et le système de l’éducation résulterait du jeu et de l’équilibre de ces trois droits, droit de l’État, droit du père, droit de l’enfant. Cousin fut, à ma connaissance, le premier en 1844 à invoquer ce droit nouveau.

La loi Falloux résolut momentanément le conflit. Mais après 1870, sous la troisième République, on vit de nouveau se poser l’antagonisme du droit du père de famille et du droit de l’État, du droit du père et du droit de l’enfant, lorsque le parti républicain essaya de réaliser une organisation démocratique de l’enseignement. Le principe de l’obligation qui était énoncé dans un projet du ministre Jules Simon en 1871, parut à tous les catholiques de l’Assemblée nationale un attentat contre la liberté du père de famille. Mgr de Bonnechose dénonça le projet comme un « monument d’oppression » ; son adoption serait, osa dire ce prélat au lendemain de l’invasion, « un malheur public plus cruel que tous nos désastres. » Et il fut rejeté par la Commission que présidait. Mgr Dupanloup. Il n’est pas inutile, pour évaluer l’argument qui se tire du droit du père de famille en matière d’éducation, de retenir qu’il a un certain jour signifié pour ses défenseurs le droit de priver l’enfant de toute instruction, même élémentaire.

Enfin dans les discussions récentes auxquelles a donné lieu l’abrogation de la loi Falloux, les partis ont violemment, bruyamment entrechoqué les trois droits. Je laisserai de côté le droit propre de l’État ; en tant qu’intéressé à avoir des citoyens utiles, il peut avoir son mot à dire dans l’éducation de la jeunesse : ce droit sera défini dans une autre conférence. Je ne parlerai de l’État aujourd’hui que comme ayant seul qualité et pouvoir pour garantir le droit de l’enfant, supposé que ce droit existe, dans les cas où il serait en conflit avec le droit du père ; il n’y a que l’État qui puisse limiter la puissance du tuteur naturel. C’est du droit du père et du droit de l’enfant que je m’occuperai ; j’essaierai de les définir, d’en préciser l’antagonisme, d’en chercher la conciliation, ou, si l’on veut, l’équilibre.

Le droit du père de famille est assez aisé à définir, du moins en termes généraux. Les paroles de Condorcet que j’ai citées en donnent une formule suffisamment claire et précise.

Le droit de l’enfant ne se définit pas aussi facilement. J’en trouve surtout des définitions négatives.