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G. LANSON.Droit du père de famille et droit de l’enfant.

son fils : mais il ne faut pas méconnaître que, dans un grand nombre de cas, cette confiance a pour cause secrète et inavouée une paresse du pèn«, une lâcheté ou une négligence à faire sa fonction, une joie de se débarrasser d’une tâche lourde en tout repos de conscience.

Que le droit même de choix soit accessoire et secondaire, cela résulte bien de ce qui se passe en beaucoup de familles. Ici, le choix est supprimé parce que dans la localité il n’y a qu’une école, qu’un collège. Croit-on que le père en soit mis hors d’état de surveiller ou de diriger l’éducation de son fils ? Il demeurera tout aussi maître, et sera peut-être parfois plus soucieux de faire acte de père par une surveillance de tous les jours que s’il avait pu choisir entre plusieurs établissements. Ailleurs, le père et la mère ont des préférences opposées : une des deux volontés prévaut, celle du père en général pour les garçons, celle de la mère pour les filles. Croit-on que le père dont la fille est allée chez les religieuses, la mère dont le fils a été mis au lycée, ne retiennent pas l’essentiel de leur droit, et les moyens de l’exercer ? que le père sera privé de son intluence sur sa fille, la mère de son influence sur son fils ? Chacun d’eux coopérera à l’éducation de ses enfants, de tout son pouvoir, et sans se croire diminué, déchu et opprimé.

L’enfant est, je l’ai dit, une personne en formation. C’est un petit citoyen, il a droit qu’on lui apprenne à être un citoyen, un membre d’une société d’hommes libres ; qu’on lui enseigne ce que c’est que la loi, qu’on lui donne le sens de la légalité ; qu’on lui enseigne ce que c’est que l’égalité, la solidarité sociales, et qu’on forme en lui le sentiment social, une habitude réfléchie de respect et d’affection à l’égard des concitoyens qui composent avec lui la société.

C’est un futur père de famille. Et il a droit d’être formé à cette fonction. Il aura un droit de père à exercer ; un droit de surveillance, de contrôle, de direction dans l’éducation de ses enfants ; un droit, en certains cas, de préférence et de choix entre les écoles et les maîtres. Il faut le rendre capable des actes qui réalisent ces droits. Il faut donc qu’il soit mis en étal, une fois homme, de comparer, de juger, de prendre une libre initiative, que l’éducation n’en ait pas fait un éternel mineur, en qui le père même mort continuera d’agir, de commander, de décider. Le père de famille qui réclame énergiquement qu’on respecte son droit, se met en contradiction avec lui-même, et manque à son devoir, si par une éducation chambrée et comme en vase clos, il s’applique à priver son fils de la liberté que