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Page:Revue de métaphysique et de morale - 14.djvu/272

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revue de métaphysique et de morale.

démonstration où en général on sera forcé d’invoquer ce principe d’induction complète qu’il s’agit précisément de vérifier » (p. 820). Ne croirait-on pas que la méthode fantaisiste qu’il propose est d’un usage courant ? Ailleurs, il la cite comme une des « applications possibles du principe d’induction » (p. 32), comme si cette application avait été réellement faite. Enfin il dit, à propos du théorème de Bernstein : « si jamais on invente une autre démonstration, il faudra encore s’appuyer sur ce principe, puisque les conséquences possibles des axiomes, dont il faut montrer qu’elles ne sont pas contradictoires, sont en nombre infini » (p. 31). Ainsi il suffit qu’on ait affaire à une infinité de propositions (ou d’objets quelconques) pour que, selon M. Poincaré, le principe d’induction intervienne nécessairement[1]. Il a totalement oublié que l’application de ce principe qu’il a proposée est soumise à des hypothèses extrêmement restrictives.

Au fond, il parait confondre l’induction complète ou mathématique avec l’induction pure et simple. Comment en effet concevoir que de l’absence de contradiction dans une suite de raisonnements on puisse inférer l’absence de contradiction dans les raisonnements suivants ? Sans doute, si cette inférence était certaine, et pouvait s’exprimer par la formule précise : « Si l’on n’a pas trouvé de contradiction dans les premiers raisonnements, on n’en trouvera pas non plus dans les premiers », il y aurait lieu d’appliquer le principe d’induction, et la conclusion serait également certaine. Mais l’inférence en question ne peut être que tout au plus probable, et par suite elle ne constitue qu’une induction vulgaire, et non une induction mathématique. Pour emprunter un exemple à M. Poincaré, la géométrie de Lobatchevsky, ne comprenant qu’un nombre fini de théorèmes, ne prouvait pas absolument que le postulat d’Euclide fût indépendant des autres axiomes géométriques (c’est-à-dire que sa négation fût incompatible avec eux) ; elle ne donnait à cette proposition qu’une probabilité d’autant plus haute que le nombre des théorèmes de la nouvelle géométrie devenait plus grand. Mais il y a toujours un abîme entre une probabilité, si grande qu’elle soit, et la certitude apodictique. Or la probabilité caractérise les résultats de l’induction vulgaire, tandis que l’induction mathématique est un

  1. Cf. p. 829 : « Sans doute on verrait facilement (?) qu’une opération nouvelle ne peut introduire de contradiction, s’il ne s’en est pas produit aux étapes précédentes. Mais conclure de la qu’il n’y en aura jamais, ce serait faire de l’induction complète. »