ne soit évidente que pour moi, et j’affirme, sans crainte d’être démenti, qu’il existe quelque chose d’impérissable, quelque chose qui n’aura pas de fin. Il s’ensuit que cette donnée n’a pas eu de commencement. En effet, si en un moment quelconque du passé elle n’eût pas existé, l’Univers n’eût été, à ce moment-là, composé que de choses périssables, ce que je reconnais impossible de tout temps. Mais, objectera-t -on, l’Univers a-t-il toujours existé ? Ne peut-on pas concevoir, dans le passé, la non-existence de l’Univers entier, du périssable et de l’impérissable à la fois ? Je réponds que le commencement de l’Univers me semble aussi impossible que son anéantissement, et, non plus que précédemment, je n’ai lieu de craindre que cela ne semble impossible qu’à moi. L’esprit humain est donc mis en demeure d’affirmer que ce qui dans l’univers existe présentement sans pouvoir finir, ne peut pas ne pas avoir toujours existé, en d’autres termes existe nécessairement de toute éternité. C’est ce que j’appelle l’Être.
N’étant déterminé à l’existence par rien d’extérieur à soi, l’Être existe sans le secours d’aucune autre chose, c’est-à-dire par soi exclusivement. Il n’est donc conditionné par rien d’extérieur à soi ; par aucun milieu, il est entièrement indépendant, en un mot absolu. Cette absence de conditionnement extérieur fait dire qu’il existe en soi. Il est sans limite : en effet, il existe par soi et uniquement par soi ; ce qu’il est n’implique donc nul facteur négatif. Le fini implique limite, négation ; aussi dit-onde l’être qu’il est infini (deux négations équivalent à une affirmation).
Ainsi, d’une part, la réflexion et le raisonnement me révèlent qu’une chose dans l’Univers existe de toute éternité, l’Être, qui jouit des propriétés énoncées ci-dessus, et, d’autre part, l’observation tant interne qu’externe me révèle tout un monde de choses périssables. Voilà donc deux départements de choses bien distincts, sont-ils indépendants l’un de l’autre, sans communication entre eux ? Assurément non. Le périssable, en effet, par définition n’étant pas nécessaire, n’est ni par soi ni en soi ; il ne peut donc exister que par et dans autre chose ; or l’univers n’offre que le périssable et l’impérissable ; c’est donc par et dans le second que le premier existe.
Toutes les propositions précédentes sont ou axiomatiques ou empiriques. Les savants positivistes (mathématiciens, physiciens, chimistes, naturalistes, etc.), ont assurément le droit de négliger l’impérissable, il peut leur être inutile de s’en occuper, mais ils se trompe-