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revue de métaphysique et de morale.

posées implicitement[1], et il n’y a plus, en concédant à la dialectique toute la rigueur que l’on voudra, qu’à les mettre en évidence, et comme le mot le dit si bien, à les expliquer. Mais il y a dans la géométrie une autre dialectique, vraiment constructive, vraiment progressive ; à chaque instant le géomètre passe d’une idée à une autre idée, qui contient comme éléments les précédentes, mais est pourtant quelque chose de nouveau. Seulement, ici, le secours de l’intuition, c’est-à-dire au fond de l’expérience, peut cacher le véritable ressort logique qui nous conduit pen à peu à des notions d’une extrême richesse, et qui ressemblent assez aux formes réelles pour exprimer correctement les résultats des mesures les plus précises. Or un tel ressort peut être aperçu, et M. Hamelin en donne quelque idée lorsqu’il construit le concept d’espace[2] : c’est toujours par la corrélation nécessaire des opposés que nos idées s’enrichissent et se construisent ; seulement, avant de l’apercevoir dans la géométrie, où l’intuition dispense du raisonnement, il fallait essayer cette méthode sur des concepts purs. Le principe en est que toute notion suppose son opposée, et doit être pensée avec son opposée. Cette liaison invincible conduit à construire une troisième notion avec les deux autres, et de proche en proche toutes les notions fondamentales, jusqu’à la finalité et à la conscience. Il faut reconnaître que le penseur qui s’est avisé d’appliquer cette méthode nouvelle, en la poussant aussi loin qu’il le pourrait, s’est lancé dans une belle aventure ; il faut avouer aussi qu’à mesure qu’il reconnaissait et apprenait à nommer la notion qu’il venait de construire, il a dû éprouver la plus haute joie humaine en voyant le Mouvement, la Cause, la Fin, se présenter à leur rang, et la Conscience où Liberté se définir elle-même par les autres, et achever l’œuvre en lui donnant l’être. Il faut encore montrer, et on peut montrer, que cette Mathématique des concepts, si l’on peut ainsi dire, n’est pas moins utile que la Mathématique des formes, attendu qu’elle permet de concevoir et de nommer des notions qui resteraient, autrement, sans forme et presque sans nom.

Informes et presque sans nom, ce n’est pas trop dire, si l’on parle des notions auxquelles on arrive, lorsque, dominé par ce préjugé que toute déduction est analytique, on remonte de notion en notion, en purifiant toujours le concept, mais sans précaution,

  1. P. 349.
  2. P. 74