Page:Revue de métaphysique et de morale - 18.djvu/510

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Cela est si vrai qu’on ne saurait attribuer une connaissance condensée de toute la doctrine sur la nature, acquise en en faisant sans cesse le tour, à celui qui serait incapable de résumer pour soi en peu de mots les détails eux-mêmes, s’il les a approfondis. (37) Puis donc que cette méthode qui consiste à revenir aux vues d’ensemble est utile à tous ceux qui ont affaire avec la physique, moi qui recommande de consacrer à la physique une activité constante, et qui trouve dans cette occupation ce qui procure le plus de calme à la vie, j’ai composé pour toi cet abrégé élémentaire de toutes mes opinions duquel je parlais tout à l’heure.

Il faut commencer, Hérodote, par saisir les notions placées sous les mots essentiels, afin de pouvoir, en rapportant à ces notions nos opinions, nos problèmes et nos difficultés, nous faire un jugement sur ces trois choses : car autrement nous ne pourrions juger de rien, condamnés à remonter à l’infini pour chercher une démonstration, ou n’ayant à notre disposition que des mots vides. (38) Pour avoir, en effet, un terme fixe auquel nous puissions rapporter nos problèmes, nos difficultés et nos opinions, il faut que nous sachions voir sous chaque mot la notion primitive qu’il désigne, et que nous n’ayons pas besoin qu’on nous démontre que cette notion est bien ce que nous disons. En second lieu, il faut explorer les choses en les confrontant avec les sensations et, d’une manière générale, avec les appréhensions immédiates soit de la pensée, soit de n’importe quel critère, avec les affections présentes également : de cette façon nous pourrons faire des inférences sur ce qui est en suspens et sur l’invisible.

Ces deux points bien compris, on est prêt pour l’étude des choses invisibles. La première chose qu’il faut se dire en l’abordant, c’est que rien ne vient du non-être : car si, pour se produire, les choses n’avaient pas besoin de germer, tout pourrait naître de tout. (39) En second lieu, il faut savoir que si ce qui disparaît aux yeux se résolvait en non-être, toutes les choses auraient péri, puisque ce en quoi elles se seraient résolues serait du non-être. Ajoutons, comme conséquence de ces deux principes, que l’univers a toujours été et sera toujours ce qu’il est. Il n’y a rien d’autre en effet en quoi il puisse se changer, ni rien, non plus, en dehors de lui, qui puisse agir sur lui pour le faire changer. (40)