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Page:Revue de métaphysique et de morale - 18.djvu/913

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de l’expérience, et James fait profession de ne s’en rapporter qu’à l’expérience.

Il convient donc de se demander si l’objet que suppose nécessairement l'idée vraie ne pourrait pas être autre chose que la vérité des intellectualistes.

De fait, une autre conception de l’objet est possible, à savoir celle du sens commun, pour qui l’objet auquel nos idées doivent être conformes pour être vraies, ce n’est pas une vérité insaisissable et problématique, mais le réel, en tant que donné dans l’expérience. C’est à ce réel propre que s’attache le pragmatisme de James ; c’est dans la réalité pure et simple qu’il trouve la source et de l’existence et des propriétés de l’idée, y compris sa capacité d’être vraie. La connaissance proprement dite [knowledge) n’est pas, pour lui, quelque chose de préexistant, dont ce qu’on nomme l’expérience ne représenterait qu’une expression plus ou moins grossière et infidèle. C’est l’expérience elle-même qui est le contact direct avec la réalité. La connaissance ne vient qu’après : elle est le résultat d’un travail opéré par l’esprit sur l’expérience, d’après les suggestions de l’expérience elle-même. A moins de nous laisser duper par les formules mêmes que nous inventons, nous ne pouvons chercher le réel que dans ce qui nous est le plus immédiatement donné.

Or, si c’est bien ce réel, et non je ne sais quel fantôme de vérité en soi, qui constitue l’objet auquel nos idées doivent se rapporter pour être vraies, il est très légitime de dire que nos croyances morales et religieuses peuvent être vraies au même titre que les affirmations de la science. Certes, la science est un moyen puissant d’action sur le réel ; mais les forces psychiques, morales et religieuses ne nous permettent pas moins de nous mesurer avec lui. La science a donné aux hommes en général le télégraphe, l’électricité, la diagnose et la guérison de quelques maladies. La religion donne à quelques-uns la sérénité, l’équilibre moral, la guérison de maux, même physiques, rebelles au traitement scientifique ; ou bien encore, un enthousiasme qui régénère et qui confère à certains individu une puissance d’action extraordinaire sur l’âme des autres hommes.

Arrivé à ce point de sa réflexion, William James prit connaissance de la philosophie d’Henri Bergson ; et il fut frappé de l’appui que certaines parties de cette philosophie pouvaient prêtera sa propre théorie. Il professait que la connaissance intellectuelle et concep-