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F. RAVAISSON.de l’habitude.

mais qui détermine les mouvements convenables. Telles sont les conditions les plus générales de la vie animale.

Or, à mesure qu’on s’élève dans l’échelle des êtres, on voit se multiplier et se définir les rapports de l’existence avec les deux conditions de la permanence et du changement dans la nature, l’espace et le temps ; et la permanence et le changement sont les conditions premières de l’habitude.

La loi élémentaire de l’existence est l’étendue, sans forme ni grandeur définies, avec la mobilité indéfinie ; c’est le caractère général du corps. La première forme qui le détermine est la figure définie dans sa forme, et la mobilité, définie dans sa direction ; c’est le caractère général du minéral (solide). La première forme de la vie est le développement, l’accroissement dans l’espace, défini en direction et en grandeur, sous la figure définie dans sa grandeur comme dans sa forme : c’est la vie végétale. Enfin, le caractère général et le signe le plus apparent de la vie animale est le mouvement dans l’espace. À cette suite de rapports avec l’espace et le mouvement, se lie une suite de rapports analogues avec le temps. Le corps existe sans rien devenir : il est en quelque sorte hors du temps. Le vie végétale veut un certain temps qu’elle remplit de sa continuité. La vie animale n’est plus continue ; toutes ses fonctions ont des alternatives de repos et de mouvement ; toutes sont intermittentes[1], au moins dans la succession de la veille et du sommeil ; les fonctions intermédiaires qui ont pour fin immédiate la préparation à la vie végétale sont assujetties à des périodes plus courtes et plus régulières.

L’existence inorganique n’a donc aucune relation définie avec le temps. La vie implique une durée définie continue. La vie animale, une durée définie, entrecoupée d’intervalles vides, et distinguée en périodes, un temps divisé et discret.

Or, c’est dans l’intermittence des fonctions que semble se manifester le plus clairement la spontanéité. Le caractère de la spontanéité est l’initiative du mouvement. L’initiative paraît évidente quand le mouvement recommence après avoir cessé, et en l’absence de toute cause externe. Il y faut, ce semble, plus de force aussi et plus d’effort pour soulever la matière affaissée et retombée sur elle-même.

Dès le premier degré de la vie animale commence en effet à se manifester hautement la double influence de la seule durée du chan-

  1. Bichat, Rech. sur la vie, art. IV. Cf. Aristote, De somno et vigil.