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Page:Revue de métaphysique et de morale - 2.djvu/190

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revue de métaphysique et de morale.

eudoxe. — Et le général, ou l’abstrait, n’est-il pas plus simple que le particulier, ou le concret ?

ariste. — Cela paraît évident.

eudoxe. — Nous dirons donc que toute science va de l’abstrait au concret, du général au particulier.

ariste. — Voulez-vous parler aussi des sciences physiques, et non pas seulement des sciences mathématiques ?

eudoxe. — Je veux parler aussi des sciences physiques.

ariste. — Pour le coup, Eudoxe, je ne vous suivrai point, et je n’accepterai point ce nouveau paradoxe. N’est-il pas évident que les sciences physiques vont du particulier au général, du fait à la loi ?

eudoxe. — Cela est, en effet, généralement admis.

ariste. — Pouvez-vous confondre les sciences mathématiques et les sciences physiques ?

eudoxe. — Je m’avancerai trop peut-être.

ariste. — Ne voyez-vous pas que les sciences mathématiques vont du simple au complexe, en restant toujours dans le général ? Les figures les plus complexes sont encore générales et jouissent de propriétés générales, parce qu’on les a construites avec des éléments simples, que l’on connaît. Le physicien lui, ne construit pas son objet ; il le reçoit tel que la nature le lui présente.

eudoxe. — Alors nous ne dirons pas que le physicien construit l’orage ?

ariste. — Comment le dire ?

eudoxe. — Avec des éléments qu’il connaît ?

ariste. — Non, le physicien étudie les orages tels qu’ils existent dans la nature.

eudoxe. — C’est bien ainsi qu’il procède, au moins en apparence. Mais je veux vous rapporter ce que j’ai entendu dire souvent à un de mes amis qui n’avait pas étudié dans les écoles, et ne craignait pas d’aller contre les opinions communément reçues. Il aimait à rapprocher l’une de l’autre la physique et la géométrie ; il disait que le physicien construit avec des lois et des éléments simples, qu’il définit d’abord, un phénomène aussi semblable que possible aux orages qui se produisent dans la nature ; que c’était ce phénomène construit par lui qu’il appelait un orage, et qu’il le connaissait avec autant de clarté et de certitude que le géomètre connaît le polygone régulier qu’il a construit. Il ajoutait que le physicien ne