quelques genres, comme le bleu céleste, le bleu minéral et le bleu indigo.
ariste. — Oui.
eudoxe. — C’est donc être plus savant que distinguer plusieurs nuances de bleu, là où un homme quelconque ne verra qu’un bleu uniforme ?
ariste. — Comment le nier ?
eudoxe. — Et ainsi le progrès naturel de notre connaissance nous conduit du genre bleu aux espèces du bleu.
ariste. — Il faut l’accorder.
eudoxe. — C’est-à-dire du général au particulier.
ariste. — Pourtant je ne perçois pas d’abord le bleu en général, mais tel bleu particulier.
eudoxe. — Nous retomberons alors dans la même difficulté : il faudra dire que l’apprenti teinturier perçoit d’abord un objet bleu comme coloré de plusieurs nuances du bleu, et non pas d’une seule.
ariste. — C’est vrai.
eudoxe. — Je ne dirai donc pas seulement : qu’est-ce que je connais d’abord ? mais aussi : qu’est-ce que je vois d’abord, qu’est-ce qui existe d’abord pour moi ?
ariste. — Je vois bien qu’il faut accorder que c’est le bleu en général qui existe d’abord pour moi, et non pas les nuances particulières du bleu.
eudoxe. — Et qu’ainsi notre connaissance naturelle des couleurs va du général au particulier ?
ariste. — Il faut l’accorder aussi.
eudoxe. — Je vois que vous êtes encore hésitant. Ouvrez, Ariste, cette fenêtre et regardez cet horizon brumeux ; de quelle couleur vous paraît-il ?
ariste. — Je le vois gris.
eudoxe. — Oui ; vous connaissez d’abord dans cet horizon une couleur générale.
ariste. — D’un gris vert.
eudoxe. — Vous y voyez ensuite une espèce de gris.
ariste. — Non, Eudoxe ; je nomme cette couleur avec plus de précision, mais je la vois toujours la même ; elle n’a point changé ; je la connais entièrement du premier coup, comme je vous le disais.
eudoxe. — Regardez-la mieux pourtant, Ariste ; vous y verrez au bord même de horizon une zone qui est gris jaune, au-dessus, une zone