Page:Revue de métaphysique et de morale - 28.djvu/528

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remèdes appropriés. Assurément on peut être certain par avance que ce n’est identiquement aucun de ceux que réclament les systèmes, de même que la boisson réclamée par le fiévreux n’est pas celle qui lui convient. Mais, d’un autre côté, les besoins qu’il ressent ne laissent pas de guider le traitement. Ils ne sont jamais sans quelque cause, et parfois même il arrive que le mieux est de les satisfaire. De même et pour la même raison, il importe de savoir quels sont les réarrangements sociaux, c’est-à-dire les remèdes dont les masses souffrantes de la société ont eu spontanément et instinctivement l’idée, si peu scientifique qu’en ait été l’élaboration. Or, c’est là ce qu’expriment les théories socialistes. Les indications que l’on peut recueillir à ce sujet seront surtout utiles si, au lieu de s’enfermer dans un système, on fait une étude largement comparative de toutes les doctrines. Car alors on a plus de chances pour éliminer de toutes ces aspirations ce qu’elles ont nécessairement d’individuel, de subjectif, de contingent, pour n’en dégager et n’en retenir que leurs caractères les plus généraux, les plus impersonnels, partant les plus objectifs.

Non seulement un tel examen a son utilité, mais il semble bien devoir être autrement plus fécond que celui auquel on soumet le plus ordinairement le socialisme. Quand on ne l’étudié que pour le discuter à un point de vue doctrinal, comme il ne repose que sur une science très imparfaite, il est aisé de montrer combien il dépasse les faits mêmes sur lesquels il s’appuie, ou de leur opposer des faits contraires, de relever en un mot toutes ses imperfections théoriques. On peut ainsi, sans beaucoup de peine, passer en revue tous les systèmes ; il n’en est pas dont la réfutation ne soit relativement facile, parce qu’il n’en est pas qui soient scientifiquement fondés. Seulement, si savante, si bien conduite qu’elle soit, une telle critique reste superficielle, car elle passe à côté de ce qui est essentiel. Elle s’attache uniquement à ce qui est la forme extérieure et apparente du socialisme et, par suite, n’aperçoit pas ce qui en fait le fond et la substance, à savoir cette diathèse collective, ce malaise profond dont les théories particulières ne sont que des syndromes et comme des manifestations épisodiques et à fleur de peau. Quand on s’est bien escrimé contre Saint-Simon, Fourier ou Karl Marx, on n’est pas renseigné pour autant sur l’état social qui les a suscités les uns et les autres, qui a été et qui est encore leur raison d’être, qui demain suscitera