Page:Revue de métaphysique et de morale - 28.djvu/662

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

miner toutes en détail, on peut être certain qu’elles présentent ce même caractère, par où elles s’opposent au socialisme, loin de se confondre avec lui. Voyez, par exemple, l’Utopie de Thomas Morus. Sur un point, elle s’écarte du système de Platon. Morus n’admet pas de classes dans sa société idéale. Tous les citoyens participent à la vie publique ; tous, ils élisent les magistrats, et tous ils peuvent être élus. De même, tous doivent travailler, contribuer à l’entretien matériel de la communauté comme agriculteurs et comme artisans. Il semble donc que cette double diffusion des fonctions politiques et des fonctions économiques doive avoir pour effet de les unir étroitement. Comment pourraient-elles être séparées, puisque chacun remplit également et les unes et les autres ? Et cependant, si la séparation est obtenue par d’autres moyens que dans la République de Platon, elle n’est pas moins complète. Elle n’a pas lieu dans l’espace, il est vrai, mais dans le temps. Il n’y a plus deux ordres de citoyens, entre lesquels il y a solution de continuité. Mais, dans la vie de chaque citoyen, Morus fait deux parts, l’une qui est consacrée au travail agricole et industriel, l’autre, à la chose publique, et, entre les deux, il met une barrière, de telle sorte que la première ne puisse avoir d’action sur la seconde. Le procédé qu’il emploie pour cela est d’ailleurs emprunté à Platon. Pour mettre les directeurs de l’État en dehors des choses économiques, Platon leur refusait le droit de posséder. Morus étend cette interdiction à tous les citoyens, puisque, dans son système, ils ont tous part à la direction de l’État. Il leur est défendu de s’approprier les produits de leur travail ; mais ils devront tout mettre en commun et tout consommer en commun. Les repas seront collectifs. Dans ces conditions, les intérêts économiques ne pourront plus affecter les résolutions que prendront les habitants quand ils délibéreront des affaires publiques, puisqu’ils n’auront plus d’intérêts économiques. Ne pouvant plus s’enrichir, ils sont désormais indifférents à ce qu’on produise plus ou moins ; tout ce qu’il leur faut, c’est que les subsistances soient assurées. Et comme, à l’exemple des magistrats et des guerriers de la cité platonicienne, ils sont élevés de manière à avoir très peu de besoins, comme leur vie doit être très simple, il leur faut très peu de chose, et ils n’ont de ce côté aucune préoccupation à avoir. La manière dont ils dirigent la société, soit en choisissant les magistrats, soit en exerçant les magistratures s’ils sont élus, est donc