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J. LAGNEAU.QUELQUES NOTES SUR SPINOZA.

elles seront détruites à la fin avec l’existence même de l’essence dont elles procèdent. Ces actions constituent la puissance actuelle du monde. L’essence de ce mode, tant qu’elle existe (conatus, vis….), produit donc des effets en lui et hors de lui, par suite on peut dire que le conatus (l’inertie) suivant les circonstances développe autant qu’il peut la puissance de l’être, mais il ne faut pas dire — et Spinoza ne dit jamais — que le mode tend, conatur, à augmenter son être ou sa puissance ; l’augmentation de son action peut résulter du conatus, rien de plus. Donc point de finalité, puisqu’il n’y a pas de bien poursuivi, et que ce que nous nommons le bien est simplement l’effet non pas cherché mais obtenu par le concours du conatus et des actions que l’être subit de la part des autres. Mais ne poursuivons-nous pas réellement des fins ? non, cela est impossible : comment l’être sortirait-il de son essence ? Ces fins qu’il nous semble poursuivre ne sont que nos idées actuelles en tant que d’autres idées vont en sortir si les circonstances, dans leur cours fortuit, le leur permettent ; car ces idées sortent les unes des autres ou plutôt se succèdent selon la même nécessité que les affections qui en sont les objets. Cette nécessité est mécanisme dans le corps ; dans l’âme elle est imagination (habitude), mais elle peut aussi être autre chose, implication, dépendance intelligible. Réaliser en elle, cette dernière nécessité, en la superposant à l’autre, c’est le véritable bien de l’âme, mais ce bien même, est-ce un bien poursuivi en dehors de l’essence, la fin purement idéale d’une tendance indéterminée ? Non, c’est l’essence de l’âme se réalisant, c’est-à-dire s’entendant parfaitement elle-même dans sa dépendance de Dieu ou plutôt c’est Dieu s’entendant partiellement en elle, dans l’exercice absolu et l’union réalisée de ses deux causalités….

Spinoza rationalise le christianisme, rationalisation lui-même du judaïsme.

Jésus, saint Paul, Spinoza.

Saint Paul rationalise la régénération : il fait la théorie de cet état de l’âme qui la soustrait au péché. Cet état est une foi, c’est-à-dire un état intellectuel qui supprime matériellement la faculté de faillir. Il y a cette théorie dans Spinoza ; mais il ne reste pas à saint Paul ; tout en maintenant sa conquête, il la rattache à Jésus, il revient à Jésus, à une intuition directe ou sentiment : à la foi il réunit l’amour