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CRITON.dialogue philosophique entre eudoxe et ariste

n’est plus vrai qu’autre chose, est encore vrai. Et si je dis « que sais-je ? » il est encore vrai que je me fais cette question.

EUDOXE. — Pourtant si penser c’est lier des choses multiples dans la succession, il faudra dire que rien n’est vrai.

ARISTE. — Comment cela ?

EUDOXE. — Ce qui est vrai n’est-ce pas ce qui est ?

ARISTE. — Comment non ?

EUDOXE. — Peut-on dire qu’une chose est lorsqu’elle a cessé d’être ?

ARISTE. — Cela est tout à fait impossible.

EUDOXE. — Mais une chose qui précède une autre chose dans le temps a cessé d’être lorsque la seconde est.

ARISTE. — Il le faut bien, sans quoi elles existeraient non pas successivement mais en même temps.

EUDOXE. — On peut donc bien dire qu’une de ces choses est, puis que l’autre est, mais on ne pourra jamais dire qu’elles sont ?

ARISTE. — On ne le pourra pas.

EUDOXE. — Il n’y a donc point d’être pour ces choses considérées ensemble ?

ARISTE. — Il n’y en a point.

EUDOXE. — Point d’être, c’est-à-dire point de vérité ?

ARISTE. — Nous l’avons dit.

EUDOXE. — Il n’y a donc point de vérité des choses multiples qui se suivent ?

ARISTE. — Il n’y en a point.

EUDOXE. — Mais penser n’est-ce pas affirmer quelque chose comme vrai ?

ARISTE. — C’est cela même.

EUDOXE. — Il n’y aura donc point de pensée des choses successives.

ARISTE. — Vous avez raison.

EUDOXE. — Il faut donc, pour être pensées, que les choses multiples continuent d’exister en même temps ?

ARISTE. — Il le faut.

EUDOXE. — Penser c’est donc connaître, entre des choses qui existent simultanément, certains rapports ?

ARISTE. — Oui.

EUDOXE. — Quand nous disons que ces choses existent simultanément, voulons-nous dire que nous les connaissons toutes à la fois ?

ARISTE. — Je ne sais que vous répondre, car nous avons dit que nous