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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

propriété de ce triangle. Car la propriété fondamentale de toute figure, et que l’on suppose toujours dans les raisonnements que l’on fait sur sa nature, c’est d’avoir une droite et une gauche, un haut et un bas.

ARISTE. — Comment cela ?

EUDOXE. — Essayez de concevoir un triangle dont un des angles ne soit pas plutôt à droite qu’en haut, ou en bas, ou à gauche, vous ne pourrez plus démontrer que la somme de ses angles est égale à deux angles droits.

ARISTE. — Que voulez-vous dire ?

EUDOXE. — Ne faut-il pas, pour démontrer cette propriété du triangle, mener une ligne par l’un de ses sommets ?

ARISTE. — Par l’un quelconque des trois sommets indifféremment.

EUDOXE. — Oui, mais encore faut-il que ce sommet soit distingué des autres. Or comment se distinguerait-il des autres sinon par sa position ?

ARISTE. — C’est bien ainsi qu’on le distingue.

EUDOXE. — Mais comment connaître sa position ? Par rapport à quelle autre position connue ? Car il me semble que cette position devra être déterminée par une autre, et cette autre par une autre.

ARISTE. — Où trouver des positions fixes et immédiatement connues de tous ?

EUDOXE. — Je n’en vois point d’autres que la position relative des parties de notre corps. Car, en dehors de ces positions constantes, qui ne sont autre chose que la forme de notre corps, toutes les autres positions peuvent varier à l’infini pour nous.

ARISTE. — Ne peut-on se passer de ces positions fixes dans les démonstrations ?

EUDOXE. — Je ne vois pas comment on pourrait s’en passer ; qu’arriverait-il en effet si, n’ayant aucun moyen de reconnaître quel est le sommet que nous avons choisi d’abord, nous prolongions un côté du triangle qui ne passe pas par ce sommet ? Or cela ne saurait manquer de se produire si vous voulez ne vous servir, pour la démonstration, que de ce triangle idéal que vous construisez en vous-même.

ARISTE. — Les figures géométriques que j’imagine sont donc dans l’espace réel, dans l’espace où est mon corps ?

EUDOXE. — Où prétendez-vous qu’elles soient ?

ARISTE. — Je ne puis dire où elles pourraient être ; car je vois