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l’influence des directeurs de conscience par lesquels l’Église exerce son action de contrôle sur les âmes. Saint Augustin (De civitate Dei, XX, 9) voyait déjà, dans les prélats de l’Église, une réalisation partielle de la prophétie de l’Apocalypse, parlant de ceux qui occupent le tribunal dans le royaume de mille ans.

Pascal s’est fort bien rendu compte qu’aux yeux de l’Église, l’éloignement du christianisme originel pour toutes les formes de culture ne devait jamais cesser de prévaloir dans une certaine pratique. Sans entrer au couvent, sa vie des dernières années n’en fut pas moins d’un moine. A ses yeux, les temps qui nous séparent du retour du Christ ne doivent être qu’attente ardente et que souffrance. La scène de Gethsémani représente bien, selon lui, la situation permanente du vrai chrétien. Nous devons vivre en contemporains actifs des souffrances du Sauveur. Une seule fois, à Gethsémani, Jésus, en détresse, a demandé du secours, du réconfort aux hommes et ses apôtres lui firent défaut. Mais le devoir auquel ils manquèrent alors incombe aux chrétiens des âges successifs. « Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde ; il ne faut pas dormir pendant ce temps-là » (fr. 583 Br.). Donc, ce n’est pas vers le Christ vainqueur qu’il faut tourner les regards, comme le fait le plus souvent l’Église, c’est vers Jésus souffrant. Le jardin des Oliviers est la contre-partie du jardin de l’Éden. L’homme déchu doit faire de Gethsémani le séjour permanent de ses pensées ; c’est à ce prix seulement qu’il garde l’espoir de voir s’ouvrir devant lui les portes de l’Éden.

La direction des âmes telle que la pratiquaient les pères jésuites apparaissait à Pascal comme un accommodement criminel de la vie selon le Christ à la vie selon le monde, et, dans les Lettres à un provincial, il a élevé contre les abus des jésuites une vive protestation. Sauf des erreurs de détail, il a raison au point de vue rigoureusement chrétien. Du Nouveau Testament à la casuistique des jésuites l’éthique ne reste pas identique, et même d’un point de vue purement humain, on pourrait émettre des doutes touchant les résultats de cette casuistique. A côté de sa campagne contre la religion de douceur qui s’était, selon lui, substituée à la méditation des souffrances de Gethsémani, Pascal a consacré un mémoire à la Comparaison des chrétiens des premiers temps avec ceux d’aujourd’hui.

S’il y a tant d’écart entre les deux catégories de chrétiens, c’est parce qu’à présent le baptême précède l’instruction des mystères de