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Page:Revue de métaphysique et de morale - 9.djvu/36

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revue de métaphysique et de morale.

Le bien, fin dernière de toute la vie religieuse et morale, c’était, comme déjà la dernière période des mystères attiques, une union de nature conjugale avec la divinité, union qu’on appelait le mariage sacré. Le prototype s’en trouvait dans les histoires des héros d’autrefois.

Ces thèmes légendaires, la philosophie, dans le progrès moral, les reproduit.

La moralité, telle que la maintiennent les lois, ne consiste pas tout entière, comme semble le dire leur texte, à commencer par neuf sur dix des commandements bibliques, à ne pas nuire au prochain, à ne pas le dépouiller de ce qui lui appartient ; il reste après cela à se servir et de ce qu’on a et de ce qu’on est soi-même.

C’est la Morale des héros sauveurs, avant le Sauveur, morale de générosité, morale qui n’est pas toute dans l’abstinence, mais qui est don et grâce, libéralité et magnanimité, la morale que Descartes a indiquée en quelques traits où il a paru dépasser le Christianisme même, et qui n’en est que la plus forte expression dictée par l’esprit d’héroïsme de l’antiquité et par celui de la moderne chevalerie.

À tout ce qui précède c’est le corollaire que ce mot de saint Augustin : « Aimez et faites ce que vous voudrez », mot qui ne signifie pas : si vous aimez vous pouvez faire impunément des choses étrangères ou même contraires à l’amour, mais bien : quiconque aime véritablement ne fera rien que ce qu’inspire l’amour. De l’amour il ne naît que la vertu.

Tel encore est le sens des paroles énigmatiques adressées par le Christ à la Samaritaine qui est venue chercher de l’eau à un puits : « Je peux, moi, te donner d’une eau telle que celui qui en boira n’aura plus soif dans toute l’Éternité. »

Inspirée de cette morale, l’âme humaine prend la conscience qu’elle n’est pas née pour périr après avoir vécu de courts instants comme en un point du monde, mais qu’elle vient de l’infini, qu’elle n’est pas, suivant un mot de Descartes, comme ces petits vases que remplissent trois gouttes d’eau, mais que rien ne lui suffit que l’infini. Rayon de la divinité, rien ne peut être sa destinée que de retourner à elle et de s’unir pour toujours à son immortalité.

On a prétendu, au nom de la justice, la réduire à une plus humble destinée.