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sus de tout : idéal de domination, affirmation de puissance qui va jusqu’à ameuter contre soi l’univers par bravade et par jeu : ambition outrée et pathologique, rêve morbide d’énormité qu’on retrouve jusque dans le détail des procédés allemands. Nous sommes donc en présence d’un cas de pathologie sociale ; mais toute suractivité maladive est passagère et la nature prendra sa revanche.

Le Pangermanisme (Les plans d’expansion allemande dans le monde). (Études et documents sur la guerre), par Charles Andler. 1 br. in-8 de 80 p., Paris, A. Colin, 1915. — Dans cette étude fortement documentée, M. Andler expose les principales formes littéraires du pangermanisme, livres de doctrine, pamphlets politiques, discours parlementaires, manifestations des Ligues, et le rapport de cette agitation pangermaniste avec l’action gouvernementale allemande. Faire mieux et plus grand que Bismarck c’est le thème commun qui anime l’une et l’autre. Pour les uns, Paul de Lagarde et Constantin Franz, il faut prussifier l’Autriche-Hongrie, puis l’Est polonais et l’Orient balkanique ; pour d’autres, Dehn et Bley, il faut annexer la Belgique et la Hollande. La Ligue pangermaniste et le « Deutscher Bund » sont l’expression politique de ces tendances. La doctrine formulée d’abord pour l’Europe, ne tarde pas à s’étendre au reste du monde ; nombreux sont les projets d’infiltration dans les colonies étrangères ou de dépècement du bien d’autrui. Il s’agit de faire prédominer dans tout l’univers l’idée allemande, et le moyen, c’est la guerre.

L’auteur met en évidence le rapport de l’agitation pangermaniste et de l’action gouvernementale allemande, la « complicité du gouvernement allemand dans le pangermanisme en particulier à propos de la Weltpolitik, de la création de la question marocaine, des armements de 1913 ; il montre également comment on retrouve dans la politique de Bülow les formules du pangermanisme. Dans un appendice il étudie le pangermanisme en Autriche.

Pratique et doctrine allemandes de la guerre. (Études et Documents sur la guerre), par E. Lavisse et Ch. Andler. 1 br. in-8 de 47 p., Paris, A. Colin, 1915. — Cette brochure renferme : 1o une série de documents authentiques sur la pratique allemande de la guerre.

2o Une étude sur la doctrine allemande de la guerre (résumé de l’étude de M. Andler, que nous venons d’analyser).

3o Une étude sur les idées inspiratrices de la doctrine (résumé d’un article de M. Lavisse dans la Revue de Paris.)

M. Lavisse ramène ces idées à trois : 1o la guerre est une nécessité pour l’Allemagne, qui a besoin de s’étendre, 2o la guerre est voulue par Dieu et par la nature, 3o l’Allemagne a la mission de régir le monde pour le plus grand bien de l’humanité. Ainsi la guerre, nécessaire à l’existence de l’Allemagne, est ennoblie et sanctifiée ; les guerriers d’Allemagne sont les soldats de Dieu.

« C’est pourquoi, nous qui combattons en cette guerre, nous avons le droit de dire aux peuples qui en sont les spectateurs… Veuillez vous demander si jamais un peuple fut comme le peuple allemand orienté vers la guerre, préparé à la guerre comme à une fonction essentielle et naturelle de sa vie nationale ; considérez combien de motifs et de mobiles s’unissent en un formidable faisceau ; les intérêts matériels, une naturelle brutalité barbare, le patriotisme surexcité par un orgueil fou, un complexe et puissant mysticisme concourent au même objet, qui est d’élever « l’Allemagne au-dessus de tout » et de subordonner au peuple providentiellement privilégié le reste des peuples. »

Les Usages de la guerre et la doctrine de l’État-major allemand, par Ch. Andler, 1 br. in-8 de 117 p., Paris, Alcan, 1915. — M. Andler démontre, dans cette brochure, que les atrocités allemandes sont conformes à l’enseignement officiel des théoriciens de l’état-major allemand, depuis les guerres de la libération allemande. C’est la vieille doctrine de Clausewitz, qu’au-dessus des formes imparfaites et relatives de la guerre, il y a la guerre absolue, parfaite dans l’horrible « feu déchaîné avec une fureur élémentaire et irrésistible ; la guerre doit mettre, au service de la volonté de vaincre, tous les moyens, même les plus inhumains ». Le général von Hartmann, le grand état-major allemand dans une brochure officielle « Kriegsbrauch im Land-Kriege 1902 » ne font que reprendre et varier sur tous les tons ce thème fondamental. Un recueil abondant de citations, empruntées à Clausewitz, Hartmann, Moltke, Bismarck, et à l’ouvrage que nous venons de citer, prouve jusqu’à l’évidence la concordance des pratiques abominables qui resteront la honte de l’Allemagne, avec la théorie longuement méditée et devenue doctrine officielle. M. Andler met en regard de ces doctrines allemandes la doctrine officielle de l’armée française, d’après le règlement sur le service en campagne.