Page:Revue de synthèse historique, t. 29, 30, 31, 32- 1920.djvu/325

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Ainsi, quand je pose que l’histoire est une science, que sa fin dernière est l’obtention de lois — en réalité, c’est une méthode que j’entends, avant tout, définir ainsi. La pensée que son effort doit aboutir un jour à permettre le dégagement de véritables lois — cette pensée ne doit jamais quitter l’historien. C’est elle qui donne son prix, sa direction aussi à son travail ; c’est elle qui doit régler, déterminer, ordonner de haut ce travail ; c’est elle qui lui confère son sens, sa dignité et sa valeur. Un historien qui n’a point cette idée, qui n’est point soutenu par cet idéal — il me semble que ce doit être vraiment un désespéré. Quel est le sens de son labeur, quelle en est la portée et la justification ? Et comment se contenter, se payer de raisons comme celles que, dans son étude critique — dans son pamphlet plutôt, intitulé : De la situation faite à l’histoire et à la sociologie dans les temps modernes, Charles Péguy formulait de la sorte : Les ? historiens font ordinairement de l’histoire sans méditer sur les limites et les conditions de l’histoire. Sans doute ils ont raison. Il vaut mieux que chacun fasse son métier — d’une manière générale, il vaut mieux qu’un historien commence par faire de l’histoire sans en chercher aussi long. Autrement il n’y aurait jamais rien de fait ? Un historien qui resterait fixé sur une méditation de la situation faite à l’histoire ne ferait pas beaucoup avancer cette histoire. Et non plus la métaphysique, s’il n’était pas doué, né philosophe et historien. Ils seraient deux hommes en arrêt, et non des hommes qui travailleraient. Texte qu’il faut lire avec un grain de sel — et qui, mi-ironique, mi-condescendant, ne traduit sans doute pas tout-à-fait la pensée de Péguy lui-même ; mais il traduit admirablement un état d’esprit malheureusement trop répandu...

Non. La véritable façon de travailler à la synthèse pour nous, au moment où nous sommes de l’évolution des études historiques, c’est de procéder à l’analyse. La véritable façon de hâter l’heure où, de la masse des faits historiques scientifiquement établis, méthodiquement analysés, groupés en séries constituées et pour ainsi dire organiques, des lois se dégageront peu à peu — ce n’est pas de jeter sur nos ignorances le voile plus ou moins somptueux de théories improvisées — c’est, patiemment, méthodiquement, lentement, de procéder à un travail de dissection rigoureux. C’est en décomposant l’expérience passée et présente que l’on parviendra un jour, j’en ai la conviction profonde, dans la mesure où le