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HISTOIRE ET SYNTHESE

C'est une sorte- d'axiome, depuis une cinquantaine d'années, qu'en histoire il faut débuter par l'analyse, et n'aborder la syn- thèse que quand l'analyse a terminé son œuvre. Les plus illustres écrivains nous ont inculqué cette doctrine. « Aussi longtemps, disait Renan, que toutes les parties de la science ne seront pas élucidées par des monograpbies spéciales, les travaux généraux seront prématurés. » EtFuslel de Goulanges : « Il faut toute une vie d'analyse pour une heure de synthèse. »

Si l'on devait prendre ces paroles à la lettre, l'idée de fonder une revue consacrée spécialement à la synthèse historique devrait être écartée a priori, comme fausse et funeste ; car l'analyse ne sera jamais achevée. Mais est-il certain qu'on doive voir dans ce langage, non seulement un avertissement pratique particulière- ment opportun à certaines époques, mais encore l'expression d'un véritable principe, nécessaire et absolu?

La forme même de l'aphorisme, les termes dont il se compose, en trahissent l'origine. Il procède de notre philosophte du xvur* siècle, laquelle s'appuyait elle-même sur Locke et sur Bacon.

C'est Bacon qui, distinguant radicalement les faits et les lois, el condamnant l'hypolhèse dans la recherche de ces dernières, prescrit de dresser d'abord des tables complètes de faits, avant de chercher les lois qui s'en dégagent. Puis se forma une philosophie dite empirisme, qui conçut les données de l'expérience, les faits pro- prement dits, comme des entités isolées les unes des autres, et ne vit dans le groupement de ces faits sous les idées générales qu'un rapprochement tout extérieur et mécanique, sans aucune raison intelligible, sans autre fondement que l'ordre même suivant lequel les choses nous sont données. Cette philosophie posait les faits