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442 REVUE DE SYiNTIlÈSE HISTORIQUE

pas correspondu. Aussi, très simplement, l’existence de dialectes provinciaux (Hait alors universellement admise. Des érudits pleins de ])onne volonté en étudiaient la grammaire, en dressaient le dictionnaire. Ainsi le travail linguistique paraissait une sorte d’annexé du travail historique et semblait s’inspirer de principes analogues.

Mais tout changea bientôt. De même que les historiens à la notion de province, les linguistes s’attaquèrent à la notion de dialecte. Et en mai 4888, dans un discours célèbre prononcé à l’assemblée de clôture du Congrès des Sociétés Savantes’, Gaston Paris déclara tout net : « Dans une masse linguistique de même origine, comme la nôtre, il n’y a réellement pas de dialectes. Il n’y a que des traits linguistiques, qui entrent respectivement dans des combinaisons diverses. » Chaque trait linguistique occupe d’ailleurs une certaine étendue de terrain dont on peut reconnaître les limites ; « mais ces limites ne coïncident que très rarement avec celles d’un autre trait ou de plusieurs autres traits ; elles ne coïn- cident pas, surtout, comme on se l’imagine souvent encore, avec des limites politiques anciennes et modernes ». Et il concluait : « Tout le travail qu’on a dépensé à constituer dans l’ensemble des parlers de France des dialectes... est un travail à peu près complè- tement perdu. »

Ainsi, plus de synthèse, des analyses ; plus d’unités dialectales, des phénomènes linguistiques étudiés, monographies isolément ; chimérique, toute tentative pour tracer une limite nette, une limite « linéaire » entre la langue d’oc et la langue d’oïl, entre tel groupe de parler et tel autre : d’aucuns même, volontiers, trouveraient Gaston Paris trop peu radical et protesteraient contre son opinion que, si les limites des traits linguistiques « ne coïncident pas avec les limites politiques anciennes ou modernes », il en est parfois autrement pour les limites naturelles : montagnes, grands fleuves, espaces inhabités. M. Dauzat, par exemple, déclare « qu’il ne le croit pas en principe » et il soumet ses objections : « Les Pyrénées, dit-il, forment une limite dans leur partie centrale, mais non à l’Est. Et cependant, dans cette dernière région, il y a une limite, mais plus au Nord, entre Roussillon et Languedoc, Les Alpes nei- geuses et escarpées ne constituent nulle part une limite linguis-

4. Bull, (le la Soc. desi parlers de France, n° 1.