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L’EMPEREUR DON PEDRO.

par le souvenir de l’oppression politique, qu’il faut attribuer l’animosité rancunière, qui est un trait caractéristique des dispositions des colonies émancipées envers leurs mères-patries.

Dans la circonstance où nous nous trouvions, nos auditeurs prouvaient d’une manière peu équivoque, par la compression de leurs lèvres et le froncement de leurs sourcils, la rage et le désappointement qu’ils éprouvaient, en nous entendant raconter une affaire sur laquelle nous ne partagions pas leur avis. Au ministère de la police, on nous reprocha notre affection pour la cause royaliste, et le ministre lui-même nous remit un bulletin de l’affaire, conçu dans les termes les plus ampoulés. Il nous donna gravement l’assurance que l’histoire considérerait cette action comme une seconde bataille de Marathon. Je pensais que cette gasconnade ferait tressaillir l’ombre de Miltiade ; mais il n’y a point de raisonnement possible avec le préjugé enté sur l’ignorance. Nous laissâmes par conséquent Son excellence se repaître des créations de son imagination, et nous prîmes congé d’elle.

Le lendemain, nous sortîmes de bonne heure, pour garnir nos porte-feuilles de quelques esquisses des scènes magnifiques des environs. Nous travaillions assidument depuis quelque temps, lorsque nous fûmes interrompus par l’arrivée de quatre ou cinq officiers en négligé militaire. L’un d’eux, que je trouvai un peu en avant des autres, s’approcha de nous, et nous demanda d’un air très-hautain ce que nous faisions ; et, sans attendre notre réponse, il ajouta : « Ignorez-vous l’ordonnance qui défend positivement aux étrangers de lever des dessins du port et de ses fortifications ? » — « Il faut assurément que vous soyez bien jeune dans le service, répondit mon compagnon un peu piqué de ce ton de hauteur, ou bien votre coup-d’œil militaire vous eût empêché de faire une observation aussi absurde. Ce point est sans doute très-favorable pour esquisser le paysage qui nous