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Page:Revue des Deux Mondes - 1829 - tome 1.djvu/193

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LE CLERGÉ.

obtenait un canonicat et changeait sans difficulté l’uniforme ou la toge contre la soutane. On nomme, entr’autres, un habitant de Burgos, qui, à son retour de Paris, où il avait été envoyé comme commissaire du gouvernement espagnol auprès du bureau des longitudes, reçut un canonicat en récompense ; il paraît même qu’il a été depuis évêque de Badajoz. Tous ces bénéficiers d’occasion prenaient ordinairement la prêtrise dans l’année de leur nomination ; c’était plus gênant que les abbayes commendataires de France avant la révolution, dont plusieurs titulaires étaient colonels, comme le chevalier de Boufflers, qui commandait à la fois à des moines et à des dragons.

Le clergé espagnol possédait d’immenses propriétés outre les dîmes. Ses revenus ne s’élevaient cependant pas aussi haut qu’on l’a cru, et les trésors qu’on lui a supposés étaient imaginaires. Quant aux dîmes, les diverses portions que les rois s’en étaient adjugées sous le nom de Tercias reales, Noveno et Caso excusado, réduisaient la part du clergé au tiers, tout au plus, de leur produit réel. Les évêchés, dont plusieurs n’étaient pas richement dotés, se trouvaient, pour la plupart, grevés de pensions, et dans des circonstances que le gouvernement avait l’habileté de faire naître, le clergé se taxait assez généreusement pour ôter au gouvernement le regret de le faire lui-même. Les biens possédés par les monastères étaient, sans contredit, les mieux cultivés de toute l’Espagne, et il faut avouer que ce fut une grande faute au gouvernement de Joseph, et en dernier lieu à celui des cortès, que d’avoir voulu brusquement rendre à la circulation les propriétés ecclésiastiques. Une pareille mesure était prématurée dans un pays où la population ne sera pas de long-temps proportionnée à l’étendue du territoire. Ce n’est que peu à peu, et sans blesser les intérêts du clergé existant, que les réformateurs de l’Espagne auraient dû réaliser leur système. Le prétexte d’attacher le peuple au nouvel ordre des choses n’est pas admissible, car