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GUERRE D’ORIENT.

possible de cacher un malheureux échec. Mais ce qu’ils n’ont pas avoué, ce sont les pertes partielles de tous les jours et de tous les instans qu’éprouva l’armée devant Chumla par le fer, la soif ou la faim.

L’empereur ne comptait sous ses ordres que quarante mille hommes, en dix détachemens séparés, occupant quarante redoutes, et dispersés dans un espace de six lieues. Hussein-Pacha pouvait disposer d’une force numérativement supérieure, et les profondeurs de l’Hémus, d’où descendaient des nuées de spahis, lui fournissaient une cavalerie indomptable qu’il lançait comme l’éclair sur les points dégarnis.

Le siége ou plutôt la station de Chumla dura depuis juillet jusqu’à la fin de septembre. Pendant ces trois mois d’été, la Bulgarie n’offre plus qu’une plaine aride et dévorée par les rayons du soleil. Les sources tarissent, les herbes se dessèchent, les prairies disparaissent, et le pasteur bulgare se retire avec ses troupeaux vers les montagnes. Imaginez maintenant une armée qui reste immobile, pendant trois mois, sur cette terre désolée par tous les maux que l’homme et la nature peuvent réunir[1], ne pouvant se préserver de la chaleur suffoquante du jour que par la froide humidité des nuits, ne trouvant autour d’elle qu’un pays dévasté et des cabanes abandonnées, obligée de s’approvisionner à plus de cent lieues de distance, et ne recevant que par intervalle le peu de convois que l’ennemi n’avait pas interceptés, et l’on n’aura qu’une idée bien faible des souffrances du soldat russe pendant cette funeste campagne.

Voici des faits malheureusement incontestables. Quand l’armée pénétra en Bulgarie, la population, à l’exception des Zaporogues, se retira à son approche, emportant avec elle ce qui aurait pu laisser quelque ressource à l’ennemi. Les chré-

  1. Les Turcs, en se retirant devant les troupes russes, se sont attachés avec un soin particulier à détruire toutes les fontaines, que la piété musulmane avait construites sur les routes pour le soulagement du voyageur.