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SOUVENIRS DU BRÉSIL.

qui allaient quitter pour toujours des possessions dont ils jouissaient depuis long-temps, possessions dont la valeur était immense, et qui rappelaient tant d’idées d’honneur et de gloire nationale.

Vers onze heures, le vent commença à souffler, et le dernier vaisseau de l’escadre royaliste eut bientôt franchi le banc ; alors je sortis de la ville pour être témoin de l’entrée triomphale des Braziliens. Nous rencontrâmes leur avant-garde à un quart de lieue environ : je n’ai jamais vu une pareille troupe de misérables ; ils se précipitaient vers San-Salvador sans ordre ni discipline. À leur extérieur, je m’étais imaginé que leur entrée serait le signal d’excès révoltans ; mais il n’en fut pas ainsi.

Je passai ensuite quelques mois à Bahia. Pendant mon séjour dans cette ville, je fus témoin de scènes dans lesquelles on aurait eu peine à reconnaître les actes d’un chef qui se donne le titre de raisonnable. Je ne sais combien de temps j’y serais resté encore, si une fièvre opiniâtre ne m’avait forcé d’aller respirer l’air du pays natal…

Ce fut dans une belle soirée qu’après une absence de sept ans, je mis de nouveau le pied sur le sol anglais, à Douvres. Lorsque, penché sur la fenêtre de l’hôtel, je contemplai autour de moi tous les traits caractéristiques d’un gouvernement régulier et d’une civilisation avancée, lorsque je regardai les officiers de la garnison et les formes gracieuses des femmes de mon pays, qui, appuyées sur leurs bras, respiraient l’air du soir sur l’esplanade, je m’écriai involontairement avec le poète :

À tous les cœurs bien nés que la patrie est chère ![1]



  1. The new monthly Magazine.