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SUR L’HISTOIRE DE POLOGNE.

Durant soixante ans, c’est-à-dire, tant que la vieille génération des siècles des Jagellons respirait encore, l’état des sciences et l’éclat des armes ne laissèrent point apercevoir le délabrement du pays. Ce règne vit encore les travaux de sept cent onze écrivains[1], l’envahissement de Moscou, la prise de trois Czars, de Maximilien d’Autriche et du fils de Charles IX de Suède. Mais soixante-dix ans de guerres extérieures et de discordes religieuses effacèrent peu à peu l’ancienne splendeur de la Pologne. Les protestans furent bannis d’une contrée où, plus d’un siècle auparavant, Socin avait trouvé un asile contre l’Europe, et où Montluc, pour soutenir la candidature de Henri de Valois, avait été obligé de nier publiquement la participation de son maître à la Saint-Barthélemi. La Moscovie, jusqu’alors obscure, se rapprocha de nos frontières ; le duc de Prusse, notre vassal, s’émancipa, et les Turcs poursuivirent leurs conquêtes. En vain les victoires de Jean Sobieski (1674, 1696) jetèrent un vif éclat sur cette triste époque ; l’intolérance avait déjà consommé son œuvre. En 1775, il ne restait plus que quatre imprimeries dans tout le royaume. L’invasion étrangère vint ajouter à tant de maux. L’antique patriotisme et l’amour des lettres, se réveillèrent un moment sous le faible Poniatowski ; mais il était trop tard. Poniatowski vendit son royaume à Catherine après le lui avoir acheté ; l’Europe sait le reste.

Ainsi le règne de Jean Sobieski ne forme pas l’époque de la splendeur de la Pologne, comme le croit M. de Salvandy. Ce règne, au contraire, appartient à la période de sa décadence. Sans doute, en sauvant la chrétienté, Sobieski dut inspirer l’enthousiasme ; mais ce n’est pas seulement devant les murs de Vienne que la Pologne mérita bien de l’Eu-

  1. Voyez, pour l’état de la littérature en Pologne, l’Atlas des littératures récemment publié par M. Jarry de Mancy. Les notions exactes qu’il renferme sur la Pologne, sont dues, en partie, aux travaux d’un jeune Polonais, M. Léonard Chodzko.