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IRLANDE.

nommé cinq ou six catholiques à des fonctions de shérif, on serait tenté de croire qu’il n’y a rien de changé à l’ancien statu quo. La misère et ses véritables causes subsistent toujours. Les riches propriétaires, peu jaloux de sacrifier les comforts de l’Angleterre et les plaisirs du continent pour un genre de vie utile à leurs concitoyens, mais peu en harmonie avec leurs goûts, ne se sont point empressés, comme on le prétendait, de retourner en Irlande, et continuent à consommer à l’étranger les immenses capitaux qu’ils en retirent tous les ans, par l’intermédiaire d’avides et processifs attorneys. Accoutumés qu’ils sont à l’atmosphère des capitales et de la cour, ces individus ne consentiront jamais à résider dans leur patrie, tant qu’elle n’aura point un parlement national particulier, parce que, alors seulement, leurs richesses et leur considération leur permettront d’y jouer un rôle. L’Union a porté un coup mortel à l’Irlande, et, jusqu’à son abolition, il n’y a ni paix ni bonheur à espérer pour le pays. Quand le rappel de cet acte inique, fruit du parjure et de la corruption, obligerait seulement les landlords à y dépenser 100 millions qu’ils en soutirent annuellement ; ne serait-ce pas déjà là un immense bienfait pour l’agriculture, les fabriques et le commerce de l’Irlande ?

L’émancipation devait être le prix de l’Union avec l’Angleterre. Pitt en avait donné l’assurance positive aux catholiques, et cependant il fallut une lutte opiniâtre de trente ans pour

    semble les deux législatures d’Irlande et d’Angleterre ; il faut abolir aujourd’hui l’acte d’union. La lettre que nous publions peut seule donner quelque idée de la haine implacable qui divise les deux peuples. Neuf millions d’habitans, au milieu même de la Grande-Bretagne, demandent à grands cris un autre mode de gouvernement ; déjà la moitié peut-être ne se contente plus d’être représentée au Parlement anglais, elle veut un parlement indigène. À ce prix seul, O’Connell consent à relever de la couronne d’Angleterre. Il est impossible de faire éclater plus de colère et d’emportement que le tribun irlandais, il est impossible d’user plus largement de la liberté de la presse et de la parole. L’Angleterre nous semble atteinte de deux blessures mortelles ; le Paupérisme et l’Irlande.

    (N. du D.)