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IRLANDE.

une île plus belle ni plus fertile. Le Créateur lui a prodigué les plus riches dons de la nature. Elle est placée à l’extrémité de l’Europe, dans la position la plus admirable du monde. Elle forme le point le plus rapproché des républiques de l’Ouest, et semble l’entrepôt naturel des deux hémisphères. La nature lui a donné des ports commodes et assez vastes pour contenir toutes les flottes de l’univers. Les bords des fleuves et des rivières, qui descendent de ses majestueuses montagnes, offrent les sites les plus avantageux pour des milliers de manufactures. Sa population, en dépit de sa misère et du gouvernement détestable qui a pesé sur elle depuis sept siècles, a crû en nombre et en force ; mais ce que n’avait pu effectuer l’administration anglaise, la législature a tenté de le faire, en votant l’acte des sous-locations[1], instrument atroce inventé par le plus vil égoïsme pour décimer la population. Cet acte est une conséquence de l’horrible union qui nous attache à l’Angleterre ; cet acte n’eût jamais été tenté, si un seul véritable Irlandais se fût trouvé au parlement pour le combattre. C’est une loi inspirée à une aristocratie scélérate par le désir d’exterminer plus facilement le peuple. Si cette loi n’est pas rapportée, on verra bientôt se réaliser en Irlande la fable du Ciron qui triomphe du Lion. Souffrirons-nous cette indignité ? Non, si nos exterminateurs ne nous délivrent pas de cet abominable statut, plutôt que de nous laisser tuer, il nous reste l’alternative de devenir nous-mêmes exterminateurs. C’est la première fois que les Irlandais de toutes les croyances se coalisent franchement. Durant les quatre premiers siècles de l’occupation anglaise, la distinction entre les sujets anglais

  1. En vertu de cet acte, les locataires et fermiers ne peuvent sous-louer sans l’autorisation des propriétaires. Dans un pays dont le sol est la propriété d’un petit nombre d’individus, qui la plupart ne résident point sur leurs terres, une mesure semblable doit avoir les plus fâcheux inconvéniens. Le but des législateurs anglais était d’arrêter les progrès de la population. Des milliers de familles, victimes de cet acte barbare, parcourent aujourd’hui l’Irlande, sans gîte ni autres moyens d’existence que ceux qu’ils tiennent de la charité publique.