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DU COMMERCE DE LA MER NOIRE.

le terrible non plus ultra n’a pas plus tôt retenti des murs du Sérail, que les pavillons européens doivent aussitôt s’abaisser humblement. Mille navires peuvent être réunis : leur voyage est interrompu et terminé sans succès ; tous les engagemens sont rompus ; les fonds transportés à Constantinople mis hors de circulation et perdus ; la Porte s’adjuge à son gré une partie de la cargaison, fixe arbitrairement le prix de la marchandise qu’elle a soin de réduire le plus souvent à moins de la moitié de sa juste valeur, et qu’elle néglige même assez fréquemment de payer.

Ainsi comprimé dans ses spéculations, le commerce éprouve des pertes immenses, qui se multiplient et s’étendent dans toutes les directions, du comptoir du marchand à l’atelier de l’artisan, et à la cabane de l’ouvrier. Les traités stipulent la liberté du commerce et de la navigation, et des indemnités pour ce qui aura été pillé ; mais toutes ces précautions sont vaines. Maître des deux détroits, le Sultan peut agir selon son caprice ; l’Europe connaît les faits, et peut rendre témoignage à leur vérité…

Les ports et les côtes de la Méditerranée ont considérablement souffert depuis le commencement des hostilités. Environ trois cents navires autrichiens se trouvent, faute d’emploi, désarmés et dégréés dans le port de Trieste ; ceux-là doivent se féliciter, qui, n’étant pas sortis de la mer Noire, sont frétés par le gouvernement russe comme bâtimens de transport. Plus de quatre cents vaisseaux génois demeurent aussi dans l’inaction, et une centaine de navires anglais sont privés d’un commerce que les capitaines avaient exploité jusqu’ici avec beaucoup d’intelligence et d’activité. L’Angleterre, la Hollande et la France achetèrent, l’hiver dernier, 32 roubles, sur la Baltique, le tchetvert (boisseau) de blé russe, qu’elles eussent trouvé à 12 roubles sur les côtes de la mer Noire. On leur aurait vendu pour sept ou huit roubles à Odessa, le suif qu’elles payèrent au prix de dix et onze. Tel est, en un mot, l’outrage