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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

parvinrent à se cramponner à la crinière de l’un d’eux, et à lui couper la gorge avec leurs couteaux, seules armes dont ils fussent munis. Un marin n’est jamais embarrassé lorsqu’il s’agit de se procurer des vivres. Le noble animal fut bientôt dépouillé, tronçonné par quartiers, et sa chair distribuée à l’équipage. Les environs de la Baie française ne se composent que de plaines rases légèrement ondulées, couvertes d’herbes assez hautes, où apparaissent à peine quelques bruyères, la vue cherche en vain à découvrir un seul arbre, un seul arbuste ; on ne voit qu’une prairie herbeuse, marécageuse ou entrecoupée par de larges flaques d’eau saumâtre : et toutefois, malgré cela, un des canotiers s’égara et ne put rejoindre la Coquille. Nous le crûmes tombé dans quelques fondrières, et le lendemain les hommes expédiés à sa recherche nous le ramenèrent transi de froid, et mourant de faim.

Le 23, je me préparai à faire une excursion accompagné de MM. Bérard, Lottin, Gabert, et de notre maître canonnier Roland, excellent homme, plein de bravoure, et possédant à un haut degré la gaieté et la vivacité provençales. La baleinière était à nos ordres, et nous avions le projet de nous enfoncer dans les anfractuosités du port Duperrey, ainsi nommé par M. de Freycinet, et de visiter les débris de l’Uranie, qu’on jeta à la côte au fond de la baie, après qu’elle eût été crevée par une pointe de rocher. Cette promenade rappelait de tristes souvenirs à trois personnes de notre petite caravane, qui avaient partagé les travaux et les fatigues de la