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ARCHIVES GÉOGRAPHIQUES.

faisait rôtir sur une baguette de fusil deux oies à demi plumées que nous dévorâmes avec avidité. Bientôt la gaieté vint bannir le souvenir des contrariétés du matin et nous roidir contre les petites tribulations assez ordinaires dans les voyages lointains… Le soir nous nous rembarquâmes dans la baleinière ; mais le temps était décidément mauvais. Un ciel noir chargé de vents, une mer grosse, notre embarcation qui portait mal la voile, nous rendirent les six lieues qui nous séparaient de la corvette excessivement pénibles ; nous rejoignîmes nos compagnons dans la nuit, après avoir été plusieurs fois sur le point de chavirer.

La Coquille n’occupait plus le même mouillage : elle était venue chercher un abri dans l’enfoncement de la baie, en dedans des îlots des Pingoins et des Loups-Marins, non loin des ruines de l’ancien établissement fondé par Bougainville, au Port-Louis. Ce fut le lieu choisi pour s’occuper des observations astronomiques, et dès lors chacun se livra aux recherches qui rentraient dans ses attributions. Dès le matin, le navire devenait presque désert : les chasseurs se dispersaient sur ces terres inhabitées par l’homme, mais où vivent en paix une prodigieuse quantité d’animaux de toutes sortes ; et jamais ils ne revenaient sans qu’on fût obligé d’aller chercher les produits de leurs chasses. Les oies, les huîtriers, les nigauds, les bécassines, composaient les rations des matelots, et cette abondance ne tarda pas à dégoûter ces derniers, qui, vers la fin de notre relâche, réclamèrent leurs