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brigade s’ébranla au pas de course et commença le feu sans ordre. Impatient de le faire cesser, le général se porta au galop à la tête de la colonne, et il joignit à son commandement quelques expressions d’une énergie toute militaire. Un officier indigène se trouvait par hasard au nombre de ses aides de camp. Connaissant le caractère irritable de ses compatriotes, il poussa son cheval à côté de son chef, et en lui serrant vivement la main : « Monsieur, monsieur, songez où vous êtes ! Pour l’amour de Dieu, songez à ce que vous dites en un pareil moment. » Le général comprit toute la justesse de ce reproche, et il excita bientôt l’enthousiasme de ses troupes déjà mécontentes, par une de ces paroles toutes d’inspiration dont lui seul a jusqu’ici possédé le secret.

Vous avez déjà entendu parler de la superstitieuse susceptibilité des castes. En campagne, évitez avec le plus grand soin de vous approcher du cercle où vos Cipayes prennent leur repas ; que vos mains ne touchent jamais à leurs ustensiles. Sans cette précaution, les alimens et les vases deviendraient impurs, et de longues cérémonies expiatoires pourraient seules laver cette souillure.

Mais il serait encore plus dangereux de heurter de front leurs idées religieuses, ou de prétendre leur imposer de force nos mœurs et nos usages. Il y a quelques années, une sédition terrible éclata dans l’armée de Madras, et les déplorables excès dont elle fut suivie jettent un grand jour sur le caractère fanatique et enthousiaste des Indiens.