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VARIÉTÉS.

après midi. En ce moment on voit une foule de curieux, sur la place Saint-Pierre, attendre avec autant d’impatience et d’anxiété le résultat du scrutin, que la populace de Naples attend, sur la place de la Vicaria, la sortie des numéros de la loterie. Mais dès qu’on aperçoit la fumée s’élever de la cheminée fatale, ce qui annonce qu’un scrutin nul vient d’être jeté au feu, la foule se retire et s’écoule avec humeur et mécontent, en répétant les juremens d’accidente allo Spirito Santo, accidente ai cardinali ! etc.

Lorsqu’enfin il y a une majorité, le scrutin n’est pas livré aux flammes ; tous les cardinaux viennent se jeter aux pieds de l’élu de l’Esprit saint, et vénérer en lui le souverain pontife. Alors, au signal donné par le gouverneur, on tire le canon du château Saint-Ange, et les cloches annoncent le joyeux événement. La nouvelle circule aussitôt dans la ville avec la rapidité de l’éclair : en moins d’une heure, trois cent mille bouches l’ont proclamée ; tout est en rumeur ; les rues sont remplies de voitures qui se croisent dans tous les sens. Les uns courent féliciter les amis du nouveau pape ; les autres vont faire leurs condoléances au parti vaincu.

L’exaltation du saint père a lieu immédiatement après ; et au bout de quelques jours, le nouveau pape nomme ses créatures aux places éminentes de l’état, ou confirme ceux qui les exercent, et compose sa maison, ce qui donne lieu à de nouvelles intrigues, à des sollicitations, à des démarches non moins actives, que lorsqu’il s’agit de la nomination à la chaire de Saint-Pierre ; car il n’est personne, depuis le camerlingue jusqu’au cordonnier de la feue Sainteté, qui ne fasse agir tous les ressorts qui sont en son pouvoir pour conserver sa place.

Cette année, les opérations du conclave ont été tenues dans le plus grand secret : cependant, malgré la surveillance du gouverneur et des cardinaux Bernetti et la Sommaglia, chefs d’ordre du conclave, l’ambassadeur de Russie, tout schismatique qu’il est, avait tous les soirs un petit bulletin