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VARIÉTÉS.

elle est pour le maître qui le fouette et qui outrage l’humanité. Le mot d’esclave, en Turquie, n’entraîne que l’idée de dévouement absolu d’un serviteur. Le chef d’une maison le considère comme un membre de la famille ; il ne s’en sépare que pour l’élever plus haut, et le mettre ainsi en route pour parcourir tous les degrés de l’échelle sociale. Ainsi un homme n’est pas, comme chez nous, condamné éternellement à l’état de domesticité ; et vous appelez cela de l’infamie !

« Une hostilité permanente contre les chrétiens est le premier principe de sa loi… les défauts de son caractère sont les résultats d’une élévation subite, de l’enivrement d’une prospérité dont il jouit sans modération et sans sagesse. »

De quelle loi parle le docteur ? Du Coran sans doute, puisqu’il n’y en a pas d’autre ; eh bien ! ouvrez l’une des premières pages du Coran, vous y trouverez cet admirable précepte : «  soyez tolérans ; si Dieu l’eût voulu, tous les habitans de la terre auraient suivi sa loi. » Ainsi l’intolérance n’est donc pas dans la loi du musulman, qui adore les décrets de Dieu et ne cherche point à les expliquer. Est-elle dans son caractère ou dans son éducation ? Qui oserait le soutenir ? En Turquie, il n’y a pas de religion d’état, principe commun à la plupart des monarchies de l’Europe ; les diverses religions y sont sur le même degré, et de toutes, celle des maîtres du pays fait assurément le moins de bruit.

Dans quel lieu de l’empire ottoman a donc vécu notre docteur, pour n’avoir pas su que la résignation la plus absolue au Kismett, c’est-à-dire aux volontés du destin, est le trait le plus saillant du caractère musulman ? Comment, avec cette impassibilité philosophique, jouirait-il de l’enivrement de la prospérité, sans modération et sans sagesse, lorsqu’elle lui fait supporter, avec une force qui nous est inconnue, les coups les plus rudes de l’adversité ? Et quand le type original de la nature morale des Turcs ne serait pas là pour démentir cette asser-